Sciences Humaines : Du point de vue d'un géographe, que faut-il entendre par culture ?
Paul Claval : Il n'y a pas nécessité de proposer une définition fondamentalement différente de celle des autres sciences sociales, de l'ethnologie en particulier. La culture, c'est l'ensemble de ce que l'on a appris, par opposition à ce qui relève de l'instinct. Elle n'est pas faite que de représentations transmises, elle résulte aussi de ce que l'expérience a appris ; elle est faite de connaissances, de pratiques, de savoir-faire, de valeurs...
N'y a-t-il pas néanmoins des traits spécifiques à l'approche géographique ?
Dire que nous avons le même objet ne veut pas dire que nous le prenons sous le même angle. De fait, l'orientation des géographes présente plusieurs spécificités, y compris par rapport à celle des ethnologues. J'en citerai quatre.
La première tient à l'accent qui est mis sur les dimensions spatiales de la culture. Dimension spatiale en effet, dans la mesure où son acquisition s'effectue à partir d'un processus de communication et que ce processus dépend du milieu et des techniques qui y sont mises en oeuvre.
Depuis les travaux de l'Américain Carl O. Sauer, nous intégrons une dimension biologique à la culture. C'est une autre spécificité. Parmi les savoir-faire que nous acquérons, certains nous permettent de domestiquer les plantes, de vivre avec des animaux domestiques, etc. Par conséquent, les plantes, les animaux et plus généralement la nature doivent être analysés comme des faits culturels.
En troisième lieu, l'approche des géographes prend en compte l'existence de cercles d'intersubjectivité (c'est-à-dire de groupes qui donnent le même sens aux mots parce qu'ils sont en communication constante); qu'il n'y a pas de Société avec un grand S; que la société est toujours diverse parce qu'une pluralité de tels cercles est très largement admise depuis les travaux d'Anthony Giddens. Pourtant, ce que Giddens a découvert dans les années 80 était de longue date familier aux géographes.