Les embarras des recruteurs

Les Embarras des recruteurs. Enquête sur le marché du travail , Emmanuelle Marchal, EHESS, 2015, 272 p., 14 €.

Chaque année en France, 400 000 emplois ne sont pas pourvus faute de candidats correspondant au profil recherché. Depuis vingt-cinq ans, seulement 6 à 7 % des embauches ont lieu à la suite d’une annonce passée par un employeur. La question du recrutement professionnel est souvent abordée sous l’angle des capacités des candidats. Ces derniers seraient écartés en raison de leur défaut ou, plus rarement, de leur excès de compétence. La sociologue Emmanuelle Marchal aborde la question depuis l’autre côté du bureau : et si le problème ne provenait pas des candidats, mais des recruteurs et des dispositifs destinés à évaluer la compétence ? La sociologue identifie trois moments problématiques : la définition des compétences requises, l’écriture de l’annonce et le choix du candidat. Les pratiques qu’elle a observées présentent des biais. Par exemple, certains recruteurs définissent les attentes en les calquant sur celles du prédécesseur en poste. Ils peinent à distinguer la compétence objectivement requise de la personnalisation. Or, un candidat peut ne pas avoir les spécialités ou l’expérience de son prédécesseur, mais convenir s’il apprend vite et sait s’adapter.

Il n’y a pas de recette miracle : que les recruteurs procèdent à partir d’annonces puis d’entretiens formalisés, voire avec des épreuves incluant des tests psychotechniques ou qu’ils fassent fonctionner le bouche-à-oreille, chaque technique a ses avantages et ses inconvénients. Le CV formalisé valorise les candidats qui ont de l’expérience. En revanche, le bouche-à-oreille peut aider des novices, notamment les jeunes, à tirer leur épingle du jeu. La compétence se crée à chaque étape du recrutement, suggère la sociologue. Ses travaux montrent non seulement les limites des processus habituels de recrutement, mais aussi avancent des pistes pour sortir les recruteurs de leur embarras.