Les grands piliers de l'apprentissage

La qualité et la rapidité de l’apprentissage dépendent à la fois des émotions mobilisées, de la motivation, de l’attention, du retour d’information et de la consolidation des savoirs. Bonne nouvelle, il est possible de travailler chacun de ces points.

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1 . Les émotions

Quel rôle les émotions jouent-elles dans les apprentissages ? Cette question fait encore débat, mais la plupart des chercheurs s’accordent sur un point : on apprend mieux en prenant plaisir. Les émotions négatives freinent, les émotions positives stimulent. Les professeurs qui savent capter l’attention des élèves, qui les mettent à l’aise sont les plus productifs. On réussit plus facilement un exercice lorsqu’on est détendu et on augmente le plaisir d’apprendre quand on comprend de quoi on parle. Plaisir et compréhension vont donc de pair. À l’inverse, la peur de l’échec, d’une mauvaise note, d’une punition, a plutôt tendance à paralyser l’élève. Il y aurait donc d’un côté les émotions positives (le plaisir d’apprendre, la sécurité affective) qui favoriseraient l’apprentissage et de l’autre les émotions négatives (la peur, l’impuissance, la culpabilité) qui l’inhiberaient. Cette opposition reste cependant discutée dans la communauté scientifique. En observant des tuteurs et leurs stagiaires en soins mortuaires, le chercheur Long Pham Quang a montré que toute émotion forte, qu’elle soit positive ou négative, déclenche une réorganisation mentale sur le plan affectif. Le cerveau pourrait alors se saisir de cette dynamique pour enchaîner sur une réorganisation cognitive, c’est-à-dire entrer dans un processus d’apprentissage. Le philosophe Pierre Livet évoque, quant à lui, l’exemple du mathématicien confronté à l’impossibilité de résoudre un problème. Son ingéniosité à trouver une voie de sortie s’expliquerait par le besoin de compenser l’aspect dépressif de cet échec. Selon cette hypothèse, il n’y aurait donc pas de « mauvaise émotion » paralysant en soi les apprentissages : toute émotion forte pourrait servir de support aux apprentissages. Des recherches sur la mémoire vont dans le même sens. Des stimuli émotionnels puissants, comme la menace ou la surprise, favoriseraient la mémorisation (même si le trop-plein d’émotions risque de nous faire perdre quelques détails au passage). On retient mieux les souvenirs associés à une émotion forte. En serait-il de même pour les savoirs ?

• Émotions et apprentissages
Long Pham Quang, L’Harmattan, 2017.


2 . La motivation

Classiquement, on distingue deux types de motivations : intrinsèque et extrinsèque. La motivation intrinsèque (inhérente à la personne) est celle de l’individu libre qui agit par plaisir. D’après le neuropsychologue Stanislas Dehaene, le neuromédiateur dopamine jouerait un rôle clé dans la motivation. Il est libéré pendant le processus d’apprentissage, en attente d’une « récompense » (la fierté de réussir, une bonne note, des félicitations). La dopamine est en quelque sorte le carburant qui fait tourner le moteur de l’apprentissage. Selon la théorie de l’autodétermination, la motivation est orientée par trois besoins fondamentaux : le besoin d’autonomie, le besoin de compétences et le besoin d’appartenance sociale. L’élève apprendrait donc tout d’abord parce qu’il a envie de devenir autonome, parce qu’il veut se sentir compétent et parce que cela facilite ses rapports avec les autres. Réussir un problème de mathématiques, apprendre à communiquer en anglais ou à réparer une panne électrique sont autant de motivations intrinsèques qui répondent aux besoins de compétence, d’autonomie ou de relation. Le fait de réussir seul un exercice de mathématiques ou d’intégrer par ses propres moyens une notion complexe va donner à l’élève l’envie de continuer. Bien plus que si ses parents se chargent du devoir trop compliqué pour lui. À ces besoins fondamentaux, certains auteurs ajoutent le besoin d’estime de soi (Abraham Maslow) ou encore le besoin d’efficacité personnelle. Le fait d’acquérir de nouvelles compétences renforce l’estime de soi et permet à l’élève de se sentir plus fort.

Pour Philippe Meirieu, rien ne démobilise plus que l’échec. Il faut donc veiller à proposer à l’élève des exercices toujours accessibles, mais suffisamment difficile toutefois pour représenter des défis à surmonter. Le psychologue Lev Vygotsky parle de la « zone proximale de développement » pour qualifier cet espace de progression auquel l’élève peut accéder en étant étayé. Pour Benoît Galand, des objectifs précis et à brève échéance sont toujours préférables aux objectifs généraux et éloignés dans le temps.

Au-delà des motivations intrinsèques, il existe différents moyens pour renforcer le processus d’apprentissage. Ce sont les motivations extrinsèques. Lorsqu’un élève manque de motivation face à un problème de mathématiques par exemple, il va bien falloir user d’autres stratagèmes pour le motiver. Schématiquement, on parle de la carotte ou du bâton. « Si tu nous rapportes un bon bulletin, tu auras un vélo à Noël. » « Si tu reviens encore avec une mauvaise note, tu seras privé de PlayStation. » Là aussi, il vaut mieux éviter des promesses trop éloignées. Des encouragements pendant l’activité, un regard attentif, des félicitations pour chaque effort fourni se révèlent souvent bien plus efficaces que la promesse de cadeaux dans le futur. Pour ce qui est du renforcement négatif, même si le contrôle est un mal nécessaire, un excès de contraintes peut être contre-productif. Car les « menaces » augmentent le stress, la peur et le sentiment d’impuissance. Aussi, l’élève peut perdre de vue l’objectif in fine des apprentissages. Il risque de ne plus travailler pour acquérir de nouvelles compétences, mais surtout pour éviter une punition. À l’inverse, en l’absence de tout contrôle, l’élève peut aussi se lasser d’apprendre, surtout s’il n’y voit aucun intérêt intrinsèque.

Philippe Meirieu, , n° 268, mars 2015. Benoît Galand, , hors-série spécial n° 5, octobre-novembre 2006. Eddie Brummelman et Elizabeth Gunderson, , n° 36, mai-juin 2014. Elizabeth Gunderson , , vol. LXXXIV, n° 5, septembre 2013. Peter Brown, Henry Roediger et Mark McDaniel, Markus Haller, 2016. •