Quel poids ont aujourd’hui les idées exposées par Claude Lévi-Strauss dans Les Structures élémentaires de la parenté ?
La publication de C. Lévi-Strauss en 1949 était une éblouissante tentative de mettre en correspondance un phénomène universel – la prohibition de l’inceste –, les terminologies de parenté et les règles de mariage entre apparentés, là où elles existent dans les sociétés humaines. Cette thèse concernait le fondement même de la parenté et devait s’appliquer aussi bien au paysan breton qu’au Jivaro d’Amazonie.
Mais sa démonstration s’en tenait à ce qu’il a appelé les « systèmes élémentaires », c’est-à-dire ceux où il existe des règles positives de mariage entre parents proches. Il a montré qu’elles se ramènent à trois formes : le mariage bilatéral d’un côté – autrement dit, « l’échange restreint » – et deux formes unilatérales, les cousins croisés matri- ou patrilatéraux, correspondant à deux systèmes différents, qu’il a appelés respectivement « échange généralisé » et « échange restreint différé ».
Que reste-t-il aujourd’hui de ces propositions ? Si leur ambition était de dire que la raison universelle des systèmes de parenté est de gouverner les échanges matrimoniaux, cela n’a été démontré que pour ces systèmes élémentaires. Or, ils sont minoritaires dans le monde. On sait aujourd’hui, mieux encore que lorsque C. Lévi-Strauss écrivait sa thèse, que les systèmes les plus fréquents sont de type « complexe », c’est-à-dire où la parenté ne désigne pas de partenaire de mariage préférentiel, mais se contente d’exclure certains parents. Comme l’écrivait Louis Dumont (1), on ne peut espérer étendre le modèle de la théorie de l’échange à ces derniers systèmes. Or, dans la mesure où les exemples de systèmes élémentaires sont bien moins nombreux, peut-on vraiment fonder une théorie universelle sur une minorité de cas ?
(1) Louis Dumont, , Mouton, 1971.