Les monothéismes sont-ils violents par nature ? Entretien avec Élie Barnavi

Les religions monothéistes sont-elles plus enclines que d’autres à la violence ? Si oui, pourquoi ? Et surtout, comment lutter ?

Votre ouvrage, Les Religions meurtrières (2006), vient d’être réédité, augmenté d’une postface. Vous y annonciez, il y a dix ans, que nous autres Européens étions en guerre pour nos valeurs, nos libertés, notre mode de vie. Que voulez-vous dire par là ?

Périodiquement, la civilisation démocratique subit l’assaut d’ennemis qui cherchent à la détruire. Ces ennemis ont des motivations diverses et obéissent à des mots d’ordre idéologiques différents, mais tous nourrissent une haine viscérale à l’égard des valeurs et du mode de vie qui définissent la démocratie libérale. Avant-hier, le fascisme et le nazisme, hier, le terrorisme d’extrême gauche et d’extrême droite, aujourd’hui, le terrorisme islamiste.

Certains contestent ce terme de « guerre », mais on voit mal par quoi on pourrait le remplacer. Lorsque des collectifs d’hommes armés se livrent à la violence au nom d’intérêts considérés comme supérieurs aux individus qui les composent et en vue d’un objectif commun, cela s’appelle une guerre. Que cette guerre soit, comme la plupart des conflits contemporains, « asymétrique », c’est-à-dire opposant des États à des acteurs non étatiques, ne change rien à l’affaire.

Enfin, ce dernier avatar de l’assaut contre la civilisation démocratique est sans conteste une guerre de religion. Là encore, ce concept provoque le malaise, voire le rejet de nombre d’observateurs. On a vu les contorsions langagières auxquelles se livre périodiquement le président Obama, pour ne nommer que lui. Certes, les États-Unis, la France et leurs alliés ne mènent pas une guerre de religion. Mais leurs adversaires si, clairement. Lorsqu’on tue son semblable avec le cri « Dieu est grand ! » à la bouche, on est bien dans une logique de guerre de religion.