Les nouveaux profs vont-ils changer l'école ?

Les nouveaux enseignants sont arrivés. Beaucoup témoignent d’une approche pragmatique du métier, cherchant surtout, au-delà des querelles de méthodes et de chapelles, à susciter l’intérêt et la réussite de leurs élèves.

Quelque 22 000 nouveaux enseignants ont pris leurs fonctions à la rentrée 2009. En jargon de l’Éducation nationale, on les appelle les « néos ». Quatre lettres qui signent une expérience d’enseignement inférieure à cinq années, mais taisent l’aptitude de ces novices à faire face au quotidien, voire même à réinventer le métier et esquisser à petits pas le profil du prof du XXIe siècle.

Les jeunes enseignants qui arrivent aujourd’hui dans les classes ont fourbi leurs armes pour faire vivre les savoirs, faire réussir les élèves et, avant toute chose, les intéresser. Les générations précédentes le faisaient aussi, bien sûr, mais l’approche n’est pas la même. Parce qu’ils sont eux-mêmes le produit de la massification des lycées, la gestion de l’hétérogénéité et des difficultés de concentration de leurs élèves va pour eux de soi. Et comme les querelles de chapelles ont moins prise sur eux, ils n’hésitent plus à se composer une mallette pédagogique où l’éclectisme est de mise.

Comme Vincent D., professeur de sciences de la vie et de la terre (SVT), dans un collège du Rhône, ils sont nombreux à tester des formes de cours innovantes et variées. « Il leur faut du concret, il faut qu’ils fabriquent (…). Parfois je leur propose de prendre des notes à partir d’une vidéo, pour que nous reconstituions un cours ensemble ensuite. » Puis l’heure suivante, les collégiens doivent cette fois composer une affiche résumant une leçon. « Il faut varier, innover, sans cesse les surprendre », ajoute l’enseignant.

Ce qui explique que les classes deviennent de véritables laboratoires où toutes les expériences convergent vers ce but unique : accrocher des élèves de plus en plus réfractaires aux savoirs scolaires. « Si je peux noter une évolution depuis mon entrée en poste ici il y a six ans, ajoute le même enseignant, c’est bien celle-là. Il est de plus en plus difficile de capter l’intérêt des élèves. Il faut faire preuve de plus en plus d’imagination ».

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Et ils n’en manquent pas. Ni d’audace, d’ailleurs ; au point d’oser même s’attaquer de front à ce fondement de l’institution qu’est le cours magistral. Yann B., professeur de mathématiques en collège, a un principe simple : le limiter à vingt minutes. Et encore… « Parfois pour varier les approches, je les fais copier mais leur projette mon cours sur écran… J’essaie toujours de mettre en lien ce que je vais leur enseigner et leur vie, leurs centres d’intérêt. » En primaire, la tâche n’est pas plus facile, il faut là aussi trouver le levier pour « gérer le groupe », le faire vivre, comme le remarque Céline H. qui entame sa deuxième année dans une école élémentaire d’Avignon. Et ce, au prix d’une remise en question et d’une adaptation permanente à son public. « Je trouve que je fais trop de frontal. Je voudrais plonger davantage les enfants dans la réalité, les laisser créer. L’an dernier, j’avais mis en place les “Quoi de neuf”, de petits rendez-vous où un enfant raconte des choses au reste de la classe. Cette année, les enfants ne sont pas demandeurs », regrette-t-elle un peu déçue de ne pouvoir faire émerger l’envie chez ce groupe. Avec des élèves du même âge, Benoît a d’abord tenté de créer une ambiance de travail en installant des « métiers » dans sa classe de l’académie de Montpellier. Afin que le temps de parole soit équitable, il a commencé par créer une présidence du temps de parole. Puis, de fil en aiguille, un secrétaire a été nécessaire et un comptable ; avant que la classe se mette à fonctionner comme une petite société où les élèves acquièrent des savoirs pour obtenir une responsabilité, partant du constat tout simple qu’un comptable doit évidemment maîtriser les quatre opérations. Une entrée « utilitaire » qui donne un sens immédiat aux leçons.

(1) L’Américain Marc Prensky est à l’origine de ce concept.(2) Enquête CSA/Snuipp, « Les professeurs des écoles débutants et leur regard sur le métier », 30 avril 2007.