« Un capitalisme en puissance s’esquisse dès l’aube de la grande histoire, se développe et se perpétue des siècles durant. » Ces mots de Fernand Braudel suggèrent que le capitalisme a toujours été là, qu’il est en quelque sorte éternel, de sorte que sa genèse ne requerrait aucune explication. Une telle conception ignore cependant le caractère unique du système économique qui a vu le jour dans l’Europe à l’aube de l’ère moderne, et plus précisément dans l’Angleterre agraire des XVIe et XVIIe siècles. C’est en effet dans ces campagnes britanniques dominées par de gros propriétaires terriens qu’ont vu le jour les traits singuliers et inédits du capitalisme.
Les mécanismes fondamentaux
Il est certainement vrai que les échanges existent depuis l’aube de l’humanité et que l’essor des villes et des marchés globaux a, siècle après siècle, multiplié les opportunités commerciales. Cependant, le capitalisme n’est pas réductible au commerce, pas plus qu’il est guidé par de simples opportunités. Il s’agit d’un système économique mû par des impératifs qui n’existaient pas, même dans les économies marchandes précapitalistes les plus développées. Ces impératifs sans précédents sont ceux de la concurrence, de la maximisation du profit, de l’accumulation constante du capital et de la réduction du coût du travail. Les entreprises capitalistes n’y obéissent pas simplement par choix ou par cupidité, mais parce que ces impératifs constituent les mécanismes fondamentaux du capitalisme. Il en résulte un système économique au dynamisme sans précédent, capable comme aucun autre de connaître une croissance autoentretenue. Le revers de la médaille est cependant que cette compulsion à la maximisation du profit et à l’accumulation du capital prend le pas sur d’autres besoins sociaux et sur un développement écologiquement soutenable.