Les prémices de la Pax americana

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont le leader incontesté du monde capitaliste. Aiguillonnée par la menace soviétique, la Pax americana a favorisé le rattrapage des économies européennes et du Japon.

C’est un monde bouleversé qui émerge de la Seconde Guerre mondiale. Naguère maître du monde, les vieilles puissances européennes se sont abîmées dans l’affrontement le plus meurtrier qu’ait connu l’humanité. La guerre a sanctionné la suprématie incontestable des États-Unis, qui présidera désormais aux destinées du « monde libre ». C’est le point de départ de la Pax americana. Le nouveau leader fait face à un géant de puissance égale, l’Union soviétique, l’autre grand vainqueur de la guerre. Suite aux accords de Yalta (1945), ce rival se trouve à la tête d’un bloc socialiste qui comprend l’Europe orientale, et bientôt, à partir de 1949, la République populaire de Chine, le pays le plus peuplé au monde.

 

Le capitalisme ébranlé et le défi socialiste

Le capitalisme est désormais en concurrence avec un autre système économique que les héritiers de Marx considèrent non seulement comme plus juste, mais aussi plus rationnel : en mettant fin à l’« anarchie du marché », la planification socialiste n’est-elle pas en mesure d’assurer une progression plus stable de la production, mais aussi plus à même de répondre aux besoins à long terme des sociétés ? Le défi socialiste apparaît d’autant plus pressant que le capitalisme est ébranlé. Les socialistes de tous les pays ne sont plus les seuls à dénoncer ses inégalités criantes et sa propension à l’effondrement. Dernière crise en date, la grande dépression des années 1930 a déstabilisé l’ordre international, au point d’entraîner la planète entière dans la guerre. Les « nouveaux libéraux » que sont le journaliste Walter Lippman, conseiller du président américain Franklin Roosevelt, et l’économiste britannique John Maynard Keynes, théoricien de renom et conseiller de Winston Churchill, ont très tôt mesuré la gageure, eux qui plaident depuis les années 1920 pour une prise en main étatique du capitalisme, seule manière à leurs yeux de préserver les libertés économiques et politiques occidentales de la menace socialiste (1). Les envolées lyriques du libéral pur et dur Friedrich von Hayek, qualifiant de « route de la servitude » les recommandations keynésiennes, sont alors tout bonnement inaudibles (2).