Les sociologues allemands face au monde moderne

Au début du XXe siècle, la sociologie n'existe pas en Allemagne. En effet, ceux qui se préoccupent de forger une science sociale autonome sont des universitaires éclectiques, formés autant au droit qu'à l'économie, à la philosophie à l'histoire.

Ainsi, lorsque Max Weber, Werner Sombart et Joseph Schumpeter créent, en 1903, la première grande revue de sciences sociales en Allemagne, ils la baptisent Archiv für Sozialwissenchaft und Sozialpolitik. Le mot même de sociologie n'apparaît pas encore. A l'époque, Max Weber, professeur d'économie à Heidelberg et figure connue de l'intelligentsia, a déjà publié de nombreuses études (sur l'histoire économique, les questions agraires, la bourse, etc.) De plus, il est engagé dans la politique et milite pour les réformes sociales dans son pays. Mais en 1897, après une crise nerveuse due sans doute au surmenage et à un conflit familial, il démissionne de son poste à l'université de Heidelberg.

Il reprend ses activités à partir de 1900 et s'intéresse aux problèmes épistémologiques en intervenant dans le débat sur la méthode des sciences sociales (voir encadré p. 17). Son autre grand sujet de réflexion porte sur la dynamique du capitalisme. La société allemande connaît alors une mutation rapide liée à l'industrialisation. M. Weber, qui est issu d'une famille d'entrepreneurs protestants, s'interroge sur les liens qui peuvent exister entre la dynamique économique et ses fondements religieux. Il lui semble évident qu'il existe un lien entre le protestantisme - sa morale ascétique, son éthique du travail et de la rigueur, son attitude face à la vie - et l'activité des entrepreneurs tournés vers l'accumulation, la rationalité des tâches, le souci de l'épargne, la gestion rigoureuse. Telle est l'idée qu'il défend dans L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme publié en 1905. Cet essai va avoir un grand retentissement dans la communauté sociologique naissante.