Les tabous, nouvelles frontières de l'économie

« Il existe de véritables tabous dans la vie économique. Faut-il créer un marché pour les organes humains ? Certains, comme l’économiste Gary Becker, le pensent. N’est-il pas absurde, avance-t-il, que des gens meurent en raison d’une pénurie d’organes ? Ne sauverait-on pas de nombreuses vies en acceptant que les organes soient rémunérés ? Pourtant, à défendre de telles propositions, les économistes sont souvent considérés comme des gens immoraux. Il y a quinze ans, je défendais l’idée que les droits d’émission négociables (ndlr : les « droits à polluer ») étaient à la fois moraux et écologiques. On me répondait qu’il était immoral de payer pour polluer. L’idée est aujourd’hui entrée dans les mœurs. Dans le même esprit, Olivier Blanchard et moi-même avons proposé l’application du principe pollueur-payeur aux licenciements : en contrepartie d’une flexibilité accrue, les entreprises s’acquitteraient d’une taxe à l’heure de licencier, ce qui aurait pour effet de les responsabiliser. Cette proposition a suscité une nouvelle levée de boucliers. Les tabous sont utiles, dans la mesure où ils signalent toujours des questions sensibles. Mais ils ont aussi un coût social important. Certaines réformes économiques favoriseraient le bien-être général, mais se heurtent à des blocages psychologiques. »

 

Sciences Humaines, n° 189, janvier 2008.