Les traumatismes de 14-18

La Première Guerre mondiale ne s’est pas seulement dans les tranchées, mais aussi dans les villages, les usines, les journaux. Entre le front et l’arrière, deux mémoires différentes se sont mises en place.

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Aujourd’hui, les opinions occidentales voient surtout la Grande Guerre comme une « boucherie » inutile et un suicide de l’Europe. Cette vision procède d’une reconstruction mémorielle assez éloignée de ce que les acteurs et témoins du conflit ont pu ressentir. En 1914, les grandes puissances européennes entrent en guerre, chacune étant persuadée que l’autre est l’agresseur et que la guerre sera forcément courte. Dans chaque camp, les populations sont d’autant plus soudées et enclines à entrer en guerre qu’elles s’imaginent que le conflit va être bref. C’est ce que l’on nomme « l’union sacrée » en France et la « paix civile » (Burgfrieden) en Allemagne.

Quant aux plans militaires, ils ont été mûris depuis les premières années du XXe siècle, à la lumière des conflits les plus récents : guerre des Boers, guerre russo-japonaise de 1904-1905 et guerres balkaniques de 1912-1913.

Les opérations militaires

Tout au long de la Première Guerre mondiale, les fronts sont multiples, et profondément différents. Par le biais de leurs colonies, les États européens sont en guerre dans des horizons distincts. On se bat dans les îles Malouines, en Palestine, alors contrôlée par l’Empire turc allié des Allemands, en Afrique, contre les colonies allemandes d’Afrique orientale et du Togo. Les fronts de l’Est et balkaniques connaissent des conditions de combat assez différentes de celles du front occidental. À bien des égards, la décision militaire de 1918 doit beaucoup à la rupture du front des Balkans. On se bat aussi dans les Alpes, à partir de l’entrée en guerre de l’Italie au printemps 1915. Tous ces fronts apparaissent aujourd’hui comme secondaires aux yeux de la mémoire collective française, focalisée sur le front occidental, de la mer du Nord aux Vosges. Mais ils doivent aussi être pris en considération. Aux yeux de la mémoire des Néo-Zélandais ou des Australiens par exemple, c’est l’opération des Dardanelles, entre février 1915 et janvier 1916, qui importe le plus 1.

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Sur le front occidental, il faut distinguer plusieurs phases, bien délimitées, dans les combats. En août-septembre 1914, les plans d’attaque allemand (plan Schlieffen) et français (plan XVII, car c’est le 17e depuis la défaite de 1870) sont mis en place. Pour les Allemands, il s’agit de l’emporter rapidement à l’ouest, contre les Français et la petite armée anglaise, avant de se retourner contre les Russes, que l’on dit lents à mobiliser. Mais, d’une part, l’Empire russe passe à l’attaque beaucoup plus rapidement que prévu et, d’autre part, les combats à l’ouest s’enlisent dans une guerre de tranchées dès le mois d’octobre 1914, chacun des adversaires s’enfonçant dans le sol pour échapper à la puissance de feu de l’adversaire, après les terribles pertes de l’été 1914.

La guerre de tranchées est une véritable impasse stratégique et tactique à partir du moment où toute idée de contournement de l’adversaire disparaît. Seule la puissance de feu déployée peut en venir à bout. On assiste, dès 1915, à une industrialisation de la guerre, chacun des adversaires occidentaux ayant compris que les usines de l’arrière, pourvoyeuses en obus et en matériels militaires, vont devenir largement aussi importantes – si ce n’est plus – que les soldats du front. Les grandes offensives annuelles lancées par les Alliés (1915 : Artois, Champagne, Woëvre ; 1916 : Somme ; 1917 : Chemin des Dames) ou par les Allemands (1916 : Verdun) ne parviennent pas à sortir de l’enlisement des tranchées.