Linguistique. Le tournant pragmatique

John Langshaw Austin (1911-1960) trouvait que les livres étaient déjà bien assez nombreux : il n'en publia donc aucun de son vivant. Mais le recueil de ses conférences, rassemblées par ses disciples, valait bien un livre : How to do things with words (en français, Quand dire c'est faire), publié en 1962, marque un tournant important de la philosophie du langage, et exerce une influence diffuse sur le champ des sciences humaines

Il fonde une nouvelle linguistique, contribue au pragmatisme philosophique, alimente la sociologie critique. J.L. Austin est un pur produit du courant analytique développé à Oxford par Gilbert Ryle depuis 1935. Les philosophes d'Oxford sont dits « du langage ordinaire » : pour eux, philosopher, c'est commenter le sens des mots, et ce sens, loin d'être fixé en raison, dépend des « jeux » de l'usage quotidien. Austin, dans son recueil, ne fait rien d'autre qu'identifier un nouveau type de jeu, qu'il baptise illocutionnaire. Qu'est-ce à dire ? Certains énoncés ne servent ni à constater un état, ni à affirmer un fait, ni à décrire une réalité, mais à faire quelque chose, comme lorsque l'on déclare « je te baptise », « je te donne », « je promets que », etc. Austin suppose d'abord qu'il s'agit d'une classe particulière de verbes, qu'il nomme « performatifs ». Mais, à l'examen, il s'aperçoit que beaucoup d'énoncés constatifs peuvent avoir une valeur illocutoire, c'est-à-dire viser à un certain effet : par exemple, « tu es en retard » peut être un simple constat, ou une invitation à se presser.