Lire, s'évader, résister

Lire, s’évader, résister
. Essai sur la culture de masse sous le IIIe Reich
. Vincent Platini, La Découverte, 2014, 278 p., 22 €.

Le IIIe Reich fut sans doute l’un des régimes où la propagande exerça la plus forte emprise sur la société allemande. Le ministre chargé de la penser et de l’appliquer dans tous les aspects de la vie quotidienne, Joseph Goebbels, en fit une entreprise inédite par son ambition totalitaire. Pour autant, l’idéal de la propagande n’est pas d’être omniprésente et par trop massive, faute de quoi elle manque son but. « Dès qu’une propagande est consciente, elle devient inefficace », disait J. Goebbels.

C’est le mérite du travail de Vincent Platini de montrer comment la culture populaire allemande de l’époque s’est efforcée de contourner l’obstacle et de se glisser dans les failles de l’édifice. Le cinéma, la littérature populaire, le roman policier en particulier, même soumis au contrôle d’une administration aux effectifs pléthoriques, ont pu être le lieu d’une critique discrète et d’un ferment de dissidence. C’est par allusions, silences, aposiopèses (suspensions rhétoriques de la fin de la phrase) et autres contournements que s’est manifesté l’écart au discours imposé.

L’art officiel conduisant à la lassitude à force de répétition, les « contrebandiers de la culture de masse » se frayèrent un chemin dans la masse de la production, rusant en permanence face à la terreur et à la censure. Ainsi, le divertissement populaire a-t-il gardé un degré de liberté durant toute la durée du régime et même pendant la guerre.