Quel bel objet d’étude pour les sciences humaines ! Le logement est le cadre de la vie intime, puisqu’il abrite les familles, c’est un enjeu social, puisqu’il oppose les propriétaires aux locataires, et c’est un objet du politique enfin puisque, dès le milieu du 19e siècle, les pouvoirs publics encouragent la construction et tentent de loger les sans-abri. Pour unifier ces éléments, l’histoire, ce livre le démontre, fédère les approches, donne profondeur à l’ensemble et intelligibilité au présent. Une première période, de 1789 à la IIIe République, installe les protagonistes : les anciens propriétaires affrontent les nouveaux « notables », ceux qui ont inventé le lien entre propriété et citoyenneté. Dans les villes règnent les propriétaires « vautours » et les concierges, « pipelets » et « pipelettes », que l’haussmannisation a favorisés. Puis, l’État tente de trouver un équilibre entre la protection de la propriété et la défense des locataires. C’est le temps du logement social et de ses différentes réalisations, visibles encore dans les paysages urbains. Aujourd’hui, le « droit au logement » peine à trouver son efficacité. Chemin faisant, Danièle Voldman appuie sa démonstration sur de nombreux exemples, sur la littérature et sur l’image. Elle s’arrête sur des moments particuliers : la Commune de Paris, les guerres mondiales, le temps de l’abbé Pierre… Le livre se clôt sur l’immeuble de la rue du Corbillon à Saint-Denis : une quarantaine de familles, des « marchands de sommeil » et leurs locataires, des squatters et des auteurs présumés des attentats de novembre 2015. Au bout du compte, on constate la constitution d’une nation de propriétaires (58 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale), un nombre grandissant de mal-logés (3,5 millions de personnes) et plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent dans la rue. L’histoire est bien française mais elle rejoint une évolution générale qui est européenne.
Locataires et propriétaires
Locataires et propriétaires. Une histoire française, Danièle Voldman, Payot, 2016, 366 p., 22 €.