La magie « n’est pas chrétienne » ! C’est le pape François qui le dit 1. Le 4 décembre 2019, le Saint-Père n’hésite pas à sermonner le public venu sur la place Saint-Pierre (Vatican). « Combien d’entre vous vont se faire tirer les cartes ? Combien d’entre vous vont se faire lire l’avenir dans les mains ? Ces choses que vous faites pour connaître l’avenir, pour devenir d’autres choses ou pour changer certaines situations dans votre vie, ne sont pas chrétiennes. La grâce du Christ apporte tout. Priez ! » Ce jour-là, le pape a rappelé aux fidèles que saint Paul avait déjà mis en garde les chrétiens contre les cultes païens et superstitieux. « Si vous choisissez le Christ, vous ne pouvez pas avoir recours au magicien », a insisté le pape.
S’il nous paraît évident aujourd’hui que le recours à la voyance et la foi chrétienne relèvent de deux univers mentaux différents, cela n’a pas toujours été le cas. Le christianisme fut même pendant longtemps imprégné de magie et le reste encore aujourd’hui.
La magie chrétienne
Le premier des magiciens est Jésus. Les Évangiles témoignent de nombreux miracles à son actif… Jésus a guéri des lépreux, redonné la vue à un aveugle, rendu la parole à un muet, ressuscité des morts (Lazare, la fille de Laïrus) ; il a transformé de l’eau en vin, multiplié les pains, marché sur l’eau et repoussé les démons. À vrai dire, si Jésus attirait les foules sur son passage, c’est autant pour ses talents de guérisseur que de prophète.
À l’époque, un prophète ou un guérisseur digne de ce nom devait faire des miracles pour être crédible. Et la concurrence était rude. Simon le Magicien, un contemporain de Jésus qui prophétisait en Samarie, était réputé pouvoir voler. Dans un passage des Évangiles, il est dit que Simon avait voulu acheter ses pouvoirs à l’apôtre Pierre (lui aussi faiseur de miracles). Pour montrer sa supériorité, Pierre l’aurait fait tomber en plein vol devant la foule !
Quel est donc la différence entre Jésus, ses apôtres (tous capables de guérisons miraculeuses et d’exorcisme lorsque, par exemple, Paul délivre une femme des esprits mauvais 2) et un magicien ordinaire ? Pour l’Église, la différence est théologique : les magiciens invoquent leurs idoles, Jésus et les apôtres invoquent le Dieu unique.
Dès que le christianisme s’est imposé comme religion unique, la « magie » et la sorcellerie ont été identifiées aux religions païennes puis aux hérésies et à ce titre, fermement condamnées. Mais cela n’a pas empêché l’Église de promouvoir des pratiques, comme les miracles ou les exorcismes qui avaient tout de la magie, sauf le nom. Ainsi, depuis les débuts du christianisme, les saints chrétiens étaient réputés pour être des guérisseurs. Saint Acace (qui fut évêque d’Antioche) soignait les maux de tête. Saint Christophe (qui subit le martyre au 3e siècle) protège les voyageurs. Saint Gilles est invoqué pour guérir des maux de ventre ou des peurs enfantines. Saint Laurent de Rome était invoqué pour guérir les brûlures, les maladies de peau, mais aussi pour les objets perdus 3.