Banalisation de la violence, dépendance, repli sur soi, agressivité susceptible de constituer une menace pour l’ordre public, peur d’être soi-même victime de violence… Autant de maux sociaux que les écrans contribueraient quotidiennement à renforcer. La télévision, le cinéma, les jeux vidéo et internet sont régulièrement condamnés comme étant susceptibles d’engendrer le passage d’une violence virtuelle à une violence réelle. Les films Scream de Wes Craven ou encore Tueurs nés d’Oliver Stone, auxquels de jeunes individus ayant perpétré des actes morbides ont déclaré s’être identifiés, constituent des références classiques en la matière. Des campagnes de censure qui ont su trouver leur meilleur allié au sein de la pléthore de travaux scientifiques consacrés à la question. Les grandes institutions scientifiques ont d’ailleurs largement relayé le sentiment d’un net consensus scientifique en la matière, ainsi que l’illustre la déclaration d’ouverture du congrès de l’Académie américaine de pédiatrie en 2000 : « Depuis les années 1950, plus de 3 500 travaux de recherche aux États-Unis, et ailleurs dans le monde, utilisant différentes méthodes d’investigation, ont évalué la relation de causalité entre la violence des médias et ses conséquences en matière d’agressivité comportementale. Toutes ces recherches, sauf 18 d’entre elles, ont souligné une corrélation positive entre exposition aux médias et comportement violent. »
L’approche répressive…
Les travaux de laboratoire des psychologues américains Faye Steuer, James Applefield et Rodney Smith ont été parmi les premiers, en 1971, à invoquer une telle relation de causalité entre images à caractère violent et comportement agressif (1). Durant onze jours, ces chercheurs avaient exposé un groupe expérimental d’enfants à des dessins animés à contenu violent, tandis qu’un second groupe d’enfants – le groupe de contrôle – était amené à visionner des programmes sans contenu violent explicite. À la fin des onze jours, les enfants sont encouragés à jouer ensemble : les chercheurs notent alors qu’il émanerait plus d’agressivité, au cours de ces jeux collectifs, chez les enfants du groupe expérimental que chez ceux du groupe de contrôle.
Certains travaux vont jusqu’à évoquer le caractère prédictif d’actes criminels chez les sujets exposés aux spectacles violents durant l’enfance. Se basant sur une étude longitudinale menée entre les années 1960 et 1980, les psychologues américains Rowell Huesmann et Leonard Eron affirment notamment que l’exposition à la violence télévisuelle aux alentours de l’âge de huit ans augmenterait de façon nette la propension aux actes criminels une à deux décennies plus tard (2). En 2002, les chercheurs américains Joffrey Johnson et Patricia Cohen publiaient les conclusions sans appel d’une étude conduite entre 1975 et 2000 sur plus de sept cents familles new-yorkaises : les enfants qui regardent la télévision plus de quatre heures par jour avant l’âge de six ans auraient cinq fois plus de chances d’adopter des comportements violents à l’âge adulte (3). Cette étude, à l’instar de nombreuses autres, conclut alors à un apprentissage précoce des conduites violentes (avant l’âge de huit ans), et à d’importantes difficultés pour les « désapprendre » une fois celles-ci installées.