• Hermès (1969-1980)
5 volumes
Composés d’articles, ces cinq volumes sont placés sous l’aile d’Hermès, le messager des dieux. L’idée leibnizienne que le monde est un système où tout communique se trouve ici redéployée au contact de la génétique du code, des théories cybernétiques du « bruit », sur le fond duquel doit s’arracher la communication. Le dialogue platonicien, étudié dans Hermès I, ne fait pas autre chose : il arrache les idées au bruit du monde empirique. Les Grecs, souligne Serres, n’inventent pas les formes géométriques mais inventent un discours sur les formes. Ils « traduisent ». La possibilité de convertir une forme en caractères, en schéma, ouvre un espace indéfini de variations. L’étude culturelle de la science est aussi l’étude des bruits qui la brouillent, des « interférences » fatales ou fécondes (Hermès II). Avec Lévi-Strauss, Serres défend « l’importation » de la notion de structure, d’origine algébrique, dans le champ culturel. Il développe son propre stucturalisme généralisé, imaginant un réseau qui semble anticiper le codage de toutes les données en données numériques.
Dans une réédition, Serres pourra se vanter, non sans raison, d’avoir anticipé le basculement d’une ère qui ne jurait que par la production à l’ère où tout passe sous le contrôle de la communication-codification, où les maîtres des accès et des flux (Google, les réseaux sociaux…) dominent le monde économique.
Avec Hermès, Serres propose une circulation tous azimuts entre science et mythes, personnages historiques et figures de romans, encyclopédies et récits de voyages. Le cinquième et dernier volume, sous-titré « Le Passage du Nord-Ouest », explore cette métaphore du passage attendu entre les sciences exactes et les sciences humaines, – passage qui n’a rien de simple selon Serres, mais implique plutôt de multiplier les lignes, les rapprochements, de reconnaître et de contourner les obstacles.