Lors de la demi-finale du championnat de France de rugby en mai 1930, un joueur est violemment plaqué au cou. Sa colonne vertébrale se fracture, il meurt dans la nuit. L’auteur du plaquage, Fernand Taillantou, est jugé par le tribunal correctionnel pour « délit d’homicide par imprudence ». Pour l’historien Christophe Granger, l’affaire est une étape majeure dans la constitution d’un droit du sport en France parce qu’elle répond à la question suivante : les participants à des sports violents sont-ils des justiciables comme les autres ? Pour défendre F. Taillantou, ses avocats arguent que les joueurs consentent à la violence inhérente au rugby. En première instance, les juges entendent l’argument mais ils estiment que ce principe a été corrompu parce que le geste de F. Taillantou manquait de modération et ne collait pas à l’esprit du rugby. Ils le condamnent à trois mois de prison avec sursis. En appel, la seule question que les juges tranchent est celle de la conformité du geste à la règle sportive. Or les magistrats soulignent que F. Taillantou a plaqué le joueur adverse alors qu’il « n’était plus détenteur du ballon et, se croyant, de par les règles impératives du rugby, à l’abri de toute attaque, ne s’était pas mis sur la défensive ». C’est donc parce que son plaquage était une faute sportive que F. Taillantou est condamné à un an de prison avec sursis. Pour C. Granger, les tribunaux donnent ainsi force de loi aux règles sportives : les joueurs sont autorisés à exécuter des gestes violents d’ordinaire proscrits, tant qu’ils respectent la règle du jeu.
Source : Christophe Granger, « Mort sur le stade. L’affaire Taillantou et le droit à la violence dans le rugby d’entre-deux-guerres », 20 & 21. Revue d’histoire, n° 149, 2021/1.