Moscou - Après l'empire

L’ex-capitale soviétique a perdu de sa superbe, livrée aux promoteurs immobiliers et muselée par le pouvoir. Elle demeure influente grâce à sa position géostratégique et à son statut de capitale d’une puissance atomique.

Moscou est devenue une ville opulente et ouverte. En une quinzaine d’années, le centre s’est transformé en un lieu d’affaires et de luxe. Quartier général de Gazprom, Rosneft, des grandes entreprises et des banques, tous les pouvoirs s’y concentrent : politique, administratif, financier, économique, médiatique. Le contraste est de plus en plus marqué avec la grisaille de quartiers délaissés dans les faubourgs.

Le Kremlin surplombant la place Rouge demeure le lieu qui fascine, le symbole du pouvoir impérial et de son caractère oriental. Les coupoles ornées par les bolcheviks de brillantes étoiles rouges, l’immensité écrasante de la place, les remparts qui cachent les bureaux de l’administration présidentielle donnent à la forteresse l’évidence de la puissance, si proche et si lointaine pour le promeneur qui frôle ses murs. Et pourtant, l’homme fort du régime n’y vient plus que rarement. Vladimir Poutine, qui a confié la présidence au très loyal Dimitri Medvedev pour un intermède de quatre ans, a désormais son bureau dans la peu attrayante « Maison Blanche » du gouvernement. En réalité, il n’a pas changé ses habitudes. Il habite et travaille le plus souvent dans la datcha présidentielle de Novo Ogarevo, à une vingtaine de kilomètres du Kremlin. Et il aime recevoir à Sotchi, sur les rives de la mer Noire.

 

Urbanisation à la campagnarde

Jusqu’à Pierre le Grand, Moscou était la capitale du tsar de toutes les Russies et de ses boïars. Pendant les deux siècles (1703-1918) où la nouvelle ville de Pierre, Saint-Pétersbourg, lui vole son statut de capitale politique, Moscou développe l’économie, le commerce, les banques. Elle vit des nombreuses petites entreprises, notamment textiles, et de toute une vie urbaine mêlée à un univers paysan. Moscou est un modèle d’« urbanisation à la campagnarde », pour reprendre l’expression du démographe Anatoli Vichnevski. La ville s’étend et la campagne gagne la ville… Saint-Pétersbourg est alors l’anti-Moscou, elle représente le rêve d’une Russie européenne et moderne, détachée de la Russie profonde qui, elle, reste arriérée et fermée.