Nourrir le monde autrement

Qu’elle soit « raisonnée », « biodynamique » ou « urbaine », l’agriculture n’a rien d’un bloc monolithe, et abonde de contre-modèles. Leur point commun : se démarquer du productivisme et répondre aux dégâts causés par l’agriculture intensive.

17061117100_AGRICULTURE_ALTERNATIVE_TW.webp

La liste des qualificatifs des agricultures en rupture avec le système agricole dominant ne cesse de s’allonger. Si leurs idéologies et méthodes divergent, l’objectif est le même : supplanter l’agriculture productiviste majoritairement pratiquée dans les pays industriels et les pays émergents marqués par la « révolution verte » (1). 1 Une agriculture qui se caractérise par son intensité : intensive en intrants chimiques via l’utilisation d’engrais et produits phytosanitaires, intensive en capitaux via le financement des intrants et des équipements. Si elle permet d’atteindre de hauts rendements et de garantir un approvisionnement alimentaire sûr dans de nombreux pays, elle est aussi une activité très polluante : la monoculture réduit la biodiversité et affaiblit la fertilité des sols, les labours fréquents et la motorisation émettent des gaz à effet de serre et l’irrigation excessive entraîne des pénuries d’eau 2. S’il est difficile de changer ces pratiques, c’est aussi à cause de la bataille des prix que se livrent l’industrie agroalimentaire et les exploitants agricoles. En 2018, l’ONG Oxfam a dénoncé les pressions exercées par la grande distribution sur les agriculteurs, soumis à l’injonction contradictoire de réduire les coûts tout en respectant des exigences de qualité, ce qui entraîne un « nivellement par le bas des normes sociales et environnementales de la chaîne d’approvisionnement 3 ». Ces effets néfastes motivent le développement de modèles agricoles compatibles avec la préservation des ressources naturelles.

• L’agriculture biologique, à la recherche de pratiques plus propres

L’agriculture biologique est une des premières « concurrentes » de l’agriculture intensive. Son émergence est initialement liée à des préoccupations sanitaires. Dans les années 1960, des consommateurs sensibles aux effets des produits chimiques utilisés par les agriculteurs appellent à un changement des pratiques. Dès 1958, des agriculteurs français qui refusent les produits chimiques se réunissent sous le nom de Groupement de l’agriculture biologique de l’Ouest. En 1972, la notion d’agriculture bio est institutionnalisée par la création de la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (Ifoam), qui publie une charte éthique énonçant ses principes écologiques et sociaux. Vingt ans plus tard, une réglementation de la production bio est mise en place à l’échelle européenne 4. Son développement devient même un objectif politique : lors du Grenelle de l’environnement de 2007, le gouvernement français se donnait pour objectif d’atteindre 20 % de cultures biologiques sur l’ensemble de la surface agricole utile d’ici 2020… Fin 2018, 2 millions d’hectares étaient cultivés en bio, soit seulement 7,5 % de la surface agricole utile en France 5. Le bio s’est néanmoins fortement démocratisé, tant au niveau de la production que de la consommation.