Paul, apôtre des nations

Paul, premier grand penseur du christianisme, a rendu universel le message du Christ, créant des communautés d’un type nouveau dans le monde antique…

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C’est une collection de treize lettres. Elle figure au cœur du Nouveau Testament, au fondement du canon, ce recueil des écrits que la pluralité des Églises chrétiennes n’a cessé de relire et de recopier à travers les siècles. Six ou sept lettres de Paul, accompagnées d’autant écrites en son nom. Un noyau dur, qui comprend, entre autres, les épîtres aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates, et qui s’est enrichi d’autres éléments de la correspondance de l’apôtre. Puis, de manière semblable à ce qui s’était passé pour les lettres de Platon, se sont ajoutés sous le nom de Paul plusieurs groupes de nouvelles lettres dans lesquelles ses disciples se sont efforcés d’actualiser sa pensée.

Comment expliquer, aux origines du christianisme, cette place privilégiée des écrits de Paul ?

Qui est Paul ?

Situons d’abord le personnage. Sans doute contemporain de Jésus de Nazareth et de ses disciples de Galilée, Paul est un citadin né à Tarse, ville universitaire réputée de l’Orient méditerranéen, d’une famille juive. Les brèves notices autobiographiques contenues dans les épîtres nous permettent de reconstruire l’essentiel de son itinéraire. Ayant suivi dans sa jeunesse une double formation grecque et juive, Paul s’est d’abord rallié au parti pharisien, défendeur de l’identité nationale et de la loi juives face à l’emprise de l’internationalisation hellénistique sur les milieux libéraux de la synagogue. C’est dans cet élan qu’il est entré en violent conflit avec les Églises fondées, immédiatement après l’assassinat de Jésus et l’annonce de sa résurrection, dans les régions d’Antioche et de Damas.

Rapidement cependant, un recadrage de ses convictions a eu lieu. Il en parle comme d’un approfondissement de sa compréhension (Ph 3,1-11) et d’une révélation le menant à un apostolat dans le monde non juif (Ga 1,11-17). À partir de là, comme apôtre des nations, il entreprend un premier voyage en Arabie puis, après être brièvement monté à Jérusalem pour faire connaissance de Pierre, il fonde des communautés chrétiennes dans les grandes villes d’Occident : sur la côte sud de la Turquie actuelle, puis dans le bassin de la mer Égée (Philippe, Thessalonique, Athènes, Corinthe), avant de projeter un voyage plus loin, en Espagne, et de passer pour cela par Rome. À partir de là, sa trace se perd.

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Le christianisme comme pensée

Les Actes des apôtres ont popularisé la figure de Paul, une génération après sa mort, comme celle du grand entrepreneur missionnaire de l’Occident. Le portrait ainsi brossé n’est sans doute pas faux, mais de toute évidence unilatéral. L’apport décisif de Paul au christianisme ne se limite pas à la diffusion de l’Évangile. Il ne fut d’ailleurs ni le seul ni le premier à sillonner les routes de l’Empire romain. L’existence d’Églises fondées bien avant son arrivée à Éphèse ou à Rome est avérée, et ses lettres portent la trace de l’activité d’autres apôtres. Sa singularité tient à la nécessité dans laquelle son itinéraire personnel l’a placé de penser intellectuellement ce qui constitue à la fois la vérité et l’identité propre de la foi chrétienne :

– ne plus considérer seulement Jésus crucifié comme un réprouvé, mais le reconnaître comme Fils de Dieu. Ce qui implique une révolution du regard sur la personne humaine, que Paul a sans doute de bonnes raisons d’appeler une révélation ;