© Fajar P. Domingo
Comment les troubles de la personnalité sont-ils envisagés aujourd’hui ?
Vouloir classer ces troubles n’est pas nouveau. Dans l’Antiquité, la théorie des quatre humeurs faisait correspondre à chaque humeur une personnalité : un excès de sang donnait le sanguin, un excès de bile noire le mélancolique, de bile jaune le bilieux, de flegme le flegmatique. La même approche catégorielle a été retenue dans les classifications contemporaines, que ce soient celle de l’Organisation mondiale de la santé ou celle du DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition, établi par l’American Psychiatric Association). Au lieu des quatre types de personnalités de la théorie humorale, le DSM-5 distingue dix personnalités pathologiques, qui sont elles-mêmes regroupées en trois catégories principales.
L’autre approche est dimensionnelle. Les dimensions sont au nombre de cinq. Ce sont les « big five » répondant à l’acronyme « OCEAN » : ouverture à l’expérience, conscience, extraversion, agréabilité et névrosisme. Chacune correspond à une tendance de la personnalité et leur combinaison permet de définir les personnes dites normales comme celles dites pathologiques. Par exemple, le névrosisme caractérise ceux qui sont facilement angoissés, d’humeur instable et négative, qui maîtrisent mal leurs émotions. L’agréabilité définit une propension à aider les autres, à coopérer, à se montrer empathique. Les travaux psychométriques ont montré la robustesse de cette approche.
Il y a une autre façon, plus subtile et réaliste à mon avis, de voir les choses, car les catégories du DSM ne sont pas cloisonnées. On observe des cas typiques : un sujet peut présenter tous les traits de la personnalité paranoïaque (la méfiance, l’orgueil, la tendance à interpréter, la susceptibilité) dans sa façon d’être habituelle, et non sous une forme aiguë passagère. Le diagnostic de personnalité paranoïaque est alors facile à poser. Mais on peut retrouver chez quelqu’un des traits qui entrent dans la définition de la personnalité pathologique X, et d’autres dans la définition de la personnalité Y. Le tableau peut être complexe, avec des formes incomplètes ou des formes mixtes. Le DSM compte d’ailleurs une catégorie résiduelle : « trouble de la personnalité non classé ailleurs ». Une autre difficulté provient du fait qu’un critère de trouble de la personnalité ne se mesure pas comme la fièvre ou un taux hormonal. Dans l’incertitude, on peut s’aider de questionnaires, et au fil du temps, la connaissance de la personnalité du patient s’affine.
Pouvez-vous nous décrire les catégories de personnalités ?
Le premier groupe comporte les personnalités paranoïaque, schizoïde, schizotypique. Le paranoïaque, on voit assez bien ce que c’est, les deux autres catégories un peu moins. Les schizoïdes sont des gens assez froids, distants, qui ont peu de relations sociales. Le schizoïde est quelqu’un de bizarre, à la limite du délire.