La Construction sociale de la réalité est un livre théorique qui propose en fait une théorie générale de la société. Bien qu’il soit publié dès 1966 aux États-Unis, il faudra attendre vingt ans pour disposer du texte en français. Sa découverte a donc été assez tardive mais fulgurante. Énormément cité, le livre figure parmi ceux qui ont fortement contribué à l’émergence d’une problématique « constructiviste » en sociologie, qui cherche à dépasser certaines oppositions classiques en sciences sociales (individu/collectif, idéal/matériel, objectif/subjectif…) et appréhende la réalité sociale comme « des constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels et collectifs ».
La connaissance et le monde ordinaire
Peter Berger et Thomas Luckmann posent deux thèses fondamentales : « La réalité est construite socialement et la sociologie de la connaissance se doit d’analyser les processus à l’intérieur desquels celle-ci apparaît. » La réalité, le monde social que nous connaissons et percevons comme évident, est le produit objectivé de l’activité humaine au cours de l’histoire. Or, nous percevons ce monde comme extérieur, au même titre que le monde naturel. Quel rôle joue la connaissance dans notre perception de ce monde comme « naturel » et « évident » ? Les sociologues répondent en partant d’une description de la vie quotidienne, basée sur les travaux du sociologue et phénoménologue Alfred Schütz. Il en ressort plusieurs propositions importantes.
• La vie quotidienne est la « réalité souveraine » : la réalité de la vie quotidienne, que j’expérimente à partir de ma situation déterminée (le « ici » de mon corps et le « maintenant » de mon présent) s’impose à moi. Je peux difficilement la mettre en doute.