Au début du 20e siècle, 90 % d’une classe d’âge entrait directement sur le marché du travail sans autre formation que celle de l’école primaire. On apprenait le « lire, écrire, compter », et les études, pour la minorité qui en poursuivait, étaient dominées par la culture classique. Qu’il s’agisse de l’habileté des ouvrières du textile, de la technique des forgerons, pendant longtemps, l’apprentissage des métiers s’est résumé à l’imitation des « anciens ». Augustin Viseux, entré à la mine à l’âge de 14 ans, explique dans son autobiographie publiée en 1991 que son parcours de reprise d’étude et sa promotion jusqu’à la fonction d’ingénieur est exceptionnel. Cependant, avec les changements induits depuis la Révolution industrielle, l’essor des techniques, les nouvelles organisations de la production, les besoins de formation de plus en plus spécifiques sont allés croissant. L’enseignement technique a une histoire déjà longue, souvent méconnue, riche d’acteurs et d’expériences multiples. Malgré les retards, les difficultés et une certaine disqualification qui perdure toujours aujourd’hui, comment s’est-il développé en France ?
De l’apprentissage aux premiers enseignements
Dès le 18e siècle, de nombreuses écoles de dessin assurent une formation professionnelle « de base », destinée aux artisans et techniciens. À la même époque, la formation des ingénieurs se structure, avec l’École des ponts et chaussées (1747) puis l’École centrale des travaux publics (1794), future École polytechnique. Rien de généralisé, cependant, car les savoirs du métier passent surtout par une lente imprégnation : aux champs, le fils apprend le travail de la terre de son père, tandis que dans les corporations, le maître est censé transmettre son art à l’apprenti.