Peut-on expliquer les crimes de masse ?

Les génocides et massacres émaillent l’histoire du 20e siècle. Quand et pourquoi leurs acteurs consentent-ils à devenir des tueurs sans merci ?

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Par sa dimension systématique, l’extermination de six millions de Juifs et d’autres victimes par le régime nazi, a fait écrire au sociologue Zygmunt Bauman qu’on avait affaire à un « phénomène typiquement moderne qui ne peut être compris en dehors du contexte des tendances culturelles et des réalisations techniques de la modernité 1 ». Bien que frappante, son analyse était un filet aux mailles trop larges pour expliquer les grands massacres du 20e siècle. L’industrialisation des moyens de destruction est surtout responsable de l’ampleur des ravages causés par les guerres modernes, et ne rend pas compte de ce qui fait la spécificité des massacres. Contrairement aux guerres, les massacres visent des victimes désarmées ; les moyens employés peuvent être très rustiques, et leurs buts inexplicables. Ils sont souvent liés aux guerres, mais pas toujours. Leurs acteurs peuvent n’appartenir à aucune organisation armée et agir de leur propre chef.

Culture ou mécanique de groupe ?

Les historiens, sociologues, voire psychologues qui, depuis l’Holocauste en particulier, se penchent sur ces traumatismes de l’histoire conviennent qu’il n’existe pas de modèle standard : ce qui les unit se résume à leurs actes éliminateurs, qui échappent à toute norme morale et semblent irrationnels (voir encadré). La question de ce qui rend possible l’exécution de massacres fait l’objet d’un débat inauguré par deux historiens américains dans les années 1990.