Pierre Poivre est relativement mal connu du public français, alors que l’historien anglais Richard Grove en a fait la première figure historique d’une conscience écologique 1. Sa vie est un véritable roman à rebondissements. Après une vocation inachevée de missionnaire qui le conduit en Chine et en Cochinchine, il se consacre à l’acclimatation des épices. Au 18e siècle, avec le quasi monopole de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, l’entreprise relève moins du commerce que de l’espionnage. Elle le conduit à Batavia, aux Moluques et au Timor : amputé, naufragé, emprisonné, Poivre perd sa première cargaison de muscadiers et de girofliers, détruits en cachette par un rival. Mais ce ne sont pas ces épisodes, raconté dans un ouvrage de voyage caractéristique des Lumières – Les Voyages d’un philosophe – qui ont le plus intéressé R. Grove : Poivre a été l’intendant des Îles de France (Maurice) et de Bourbon (La Réunion) de 1767 à 1772, grâce à qui « l’environnementalisme est né de la rencontre entre les théories physiocratiques et l’obsession des Lumières françaises pour les îles comme figure utopique et spéculative de la découverte d’une société idéale ».
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Le mythe radieux des Lumières
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