Faut-il voir la globalisation comme une bénédiction favorisant l’épanouissement des marchés financiers ? Ou comme un rouleau compresseur servant à fabriquer misère et inégalités ? Marc Abélès suggère une tout autre voie, dans son dernier ouvrage, Anthropologie de la globalisation (Payot, 2008), loin des clichés médiatiques. La globalisation, fait nouveau dans l’histoire de l’humanité, n’est selon lui « ni bonne, ni mauvaise » : elle est un objet d’étude, qui se pose comme un défi pour les anthropologues, invités urgemment à reformuler leurs anciens cadres d’analyse. L’anthropologue suggère que ce phénomène a transformé nos croyances et nos pratiques, à l’échelle planétaire. Les conséquences en sont à la fois une nouvelle façon de faire de la politique, mais aussi l’apparition de nouvelles formes de violence…
Qu’est-ce que la globalisation ? Ce phénomène est-il une réalité ou un mythe ? En quoi est-il une nouveauté ?
La première idée que je développe dans ce livre est que la globalisation n’a rien d’un mythe, ni d’un concept fourre-tout à la mode : elle est une réalité concrète. L’internationalisation des échanges économiques, que l’on nomme la mondialisation, n’est pas en soi une nouveauté : des auteurs comme Suzanne Berger (1) ont identifié une première mondialisation à la veille de la Première Guerre mondiale ; d’autres comme Fernand Braudel et plus récemment Serge Gruzinski (2) font remonter la mondialisation à l’époque de la Renaissance… Par contre, la perception qu’ont tous les individus à l’échelon le plus local de la planète d’appartenir à un monde global, cela est un phénomène à mon avis beaucoup plus récent : la globalisation se distingue donc de la mondialisation.
Cela m’amène à avancer qu’il existe aujourd’hui une expérience anthropologique de la globalité : celle-ci passe non seulement par un nouveau rapport à l’espace et au temps (tous deux désormais comprimés voire abolis), mais aussi par l’interconnexion généralisée, via les réseaux de communication. C’est cette nouvelle façon qu’a l’individu de se situer dans le collectif qui appelle je crois une analyse anthropologique. La géographie, la world history et l’économie permettent bien d’analyser la mondialisation ; mais les outils de l’anthropologue sont déterminants pour analyser la globalisation. Et je dirais même que la globalité est le grand défi auquel est confrontée l’anthropologie actuelle…
(1) Suzanne Berger, , Seuil, 2003.(2) Serge Gruzinski, , La Martinière, 2004.(3) Michel Agier, , Flammarion, 2002.