Le long des trois dernières décennies, le travail a pris un nouveau tournant. Si l’après Seconde Guerre mondiale avait vu les inégalités de salaire reculer, depuis les années 1980, les écarts se creusent continûment. à cet essor des inégalités s’ajoute un grand chamboulement de la composition des emplois. D’un côté, les plus diplômés jouissent d’une économie de plus en plus gourmande en talents et compétences. Les postes à haut niveau d’expertise tels ceux d’ingénieurs, juristes ou cadres commerciaux ont été multipliés par trois en trente ans. D’un autre côté, le recul de l’emploi intermédiaire fait souffrir les moins diplômés. Les postes d’ouvriers qualifiés ont tendance à disparaître dans l’industrie mais aussi ceux d’employés moyens comme comptables, guichetiers ou secrétaires. Cette nouvelle donne impose à de nombreux salariés de se tourner vers les services peu qualifiés, notamment les services à la personne, où les emplois sont moins payés et peu stables mais en expansion rapide. Les économistes parlent de polarisation pour désigner cette recomposition de l’emploi autour de deux pôles dont les conditions de travail, les perspectives et les rémunérations s’éloignent de plus en plus.
Les causes de la polarisation
Les chercheurs ont d’abord pointé du doigt la diffusion de l’informatique. Si le progrès technologique est source de richesse, il impose des changements qui font des gagnants et des perdants. Les ordinateurs apparurent très vite comme très doués dans les tâches répétitives et routinières qui caractérisaient l’essentiel du travail humain dans les emplois intermédiaires. Un ordinateur sait très bien établir des feuilles de paye, distribuer de l’argent, rédiger un courrier standardisé ou guider un robot pratiquant des tâches élémentaires sur un poste de production. Avec l’informatique, les firmes ont réduit leurs coûts de production en vidant leurs bureaux et usines des travailleurs intermédiaires pour les peupler d’ordinateurs.