Psychanalyse et neurosciences : vers la réconciliation ?

Des recherches récentes en sciences cognitives, sur la plasticité cérébrale et les rêves, donnent du crédit à certaines hypothèses avancées par Sigmund Freud il y a un siècle. Voilà des arguments en faveur des tenants d'une discipline en émergence : la « neuropsychanalyse ».

Il y a plus d'un siècle, Sigmund Freud défendait l'idée que la biologie n'avait pas suffisamment progressé pour soutenir la psychanalyse et que, par conséquent, il était « prématuré » de réunir ces deux disciplines. Prématuré, mais pas inconcevable. Pour S. Freud, il ne s'agissait que d'une question de temps : « Nous devons nous souvenir que toutes nos idées provisoires en psychologie seront probablement un jour basées sur une infrastructure organique 1. » Cependant, force est de constater que la psychanalyse et les sciences cognitives (vaste ensemble de disciplines, comprenant entre autres la psychologie cognitive, les neurosciences et la philosophie de l'esprit, ayant pour projet commun la compréhension de la pensée humaine), loin de coopérer, ont plutôt entretenu des relations conflictuelles.

La psychanalyse a introduit une nouvelle méthode d'investigation du psychisme fondée sur l'association libre et l'interprétation, offrant ainsi une place prépondérante à l'écoute du patient. La biologie lui reproche cependant de ne pas avoir développé des méthodes scientifiques objectives qui lui auraient permis de tester la légitimité de ses théories. De ce refus résulterait, selon Erik Kandel, prix Nobel de médecine, le déclin de l'influence de la psychanalyse en ce début de XXIe siècle : « Ainsi, la psychanalyse a été traditionnellement meilleure pour générer des idées que pour les vérifier. Résultat : elle n'a pas été capable de progresser comme d'autres domaines de la psychologie et de la médecine 2. » Pour E. Kandel, il est nécessaire que la psychanalyse se rapproche significativement de la biologie en général et des neurosciences cognitives en particulier, afin de retrouver son dynamisme et de s'ouvrir à de nouvelles perspectives, à la fois conceptuelles et expérimentales.

E. Kandel n'est pas le seul scientifique à souhaiter un rapprochement entre la psychanalyse et les sciences de l'esprit. Pour Nicolas Georgieff, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université Lyon-I, psychanalyse et neurosciences cognitives ont toutes les raisons de coopérer, puisque, selon lui, elles étudient la même réalité, le même objet, mais simplement selon des perspectives différentes. Ce rapprochement lui semble tellement aller de soi que la question serait plutôt de savoir pourquoi « la pluridisciplinarité n'apparaît-elle pas évidente quand il s'agit de rapprocher ou d'articuler des points de vue différents sur le psychisme 3 ». Bradley Peterson, quant à lui, nous rappelle que l'avancée des techniques de neuro-imagerie a permis d'ouvrir une toute nouvelle fenêtre sur les circuits neuronaux liés à des fonctionnements mentaux proches de nombreux principes psychanalytiques 4. Bien sûr, cela ne veut pas dire pour autant que le fonctionnement riche et complexe du psychisme tel qu'il est décrit par la psychanalyse peut aujourd'hui être directement « décodé » dans le cerveau par la neuro-imagerie ! Néanmoins, les récents paradigmes expérimentaux développés peuvent aider à identifier les bases neurales soutenant ce fonctionnement et, par conséquent, offrir de nouveaux indices à sa compréhension.