Quand l'alimentation rend fou

Carences vitaminiques, perturbation de la microbiote, sensibilité au gluten… : notre santé mentale est tributaire de notre alimentation. C’est ce que prouvent plusieurs études convergentes sur les animaux et les humains.

Le grand hamster est un rongeur présent depuis longue date en Alsace ; mais l’animal est aujourd’hui sur la liste des animaux protégés : il ne reste plus que 500 animaux dans la région alors qu’ils étaient des milliers une génération plus tôt. La campagne d’élimination dont il est la cible ne suffisant pas à l’expliquer, des chercheurs se sont donc demandé si leur disparition ne provenait pas des pesticides présents dans le maïs. Mathilde Tissier, jeune doctorante à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC), a mené l’enquête. Dans son labo, 29 femelles ont été soumises à plusieurs types de régimes alimentaires différents : blé ou maïs, avec ou sans vers de terre, pour observer la mortalité des petits. Surprise : les femelles nourries au maïs se sont comportées de façon effarante. Au lieu de s’occuper de leur progéniture comme les autres elles déposaient leurs petits dans leurs réserves puis les dévoraient ! S’il arrive que des rongeurs tuent leurs petits dans des situations de stress, ce n’est jamais dans de telles proportions : 95 % des petits ont été tués et mangés par leur mère !

La raison de ce comportement sauvage ? Les chercheurs l’ont découvert : ce n’est pas la présence d’un pesticide mais une carence de vitamine B3 due à la surconsommation de maïs. La carence en vitamine B3 produit en effet une maladie déjà connue chez l’humain : la pellagre, une maladie mortelle qui fit des ravages à la fin du 19e siècle. On estime qu’elle aurait alors tué 2 à 3 millions de personnes. La pellagre se manifeste par trois symptômes révélateurs – qu’on appelle les 3 D : diarrhées, dermatites (impressionnantes maladies de peaux) mais aussi « démences ». Les signes de démence ressemblent à ceux de la schizophrénie et conduisent a des comportements paranoïaques et violents. La pellagre aurait été la cause d’un nombre important d’homicides dans certaines populations d’Amérique du Nord au 19e siècle 1.