Stephen Mack Stigler est un statisticien américain de l’espèce malicieuse : en 1980, il proposa d’accoler son nom à l’idée, formulée par d’autres avant lui, selon laquelle « une loi scientifique ne porte jamais le nom de son auteur ». Cette « loi de Stigler », autovérificatrice, est le prétexte dont s’empare l’historien néerlandais Douwe Draaisma pour nous entraîner dans une enquête décapante et érudite portant sur de célèbres découvertes neurologiques et psychiatriques modernes. Presque toutes sont des affections répertoriées qui portent le nom d’un inventeur, par là même rendu illustre dans la profession et parfois au-delà. Si vous ne connaissez pas le « syndrome de Bonnet », « l’épilepsie de Jackson » ou « les aires de Brodmann », il y a fort à parier que les noms d’Alzheimer, de Parkinson, d’Asperger, de Tourette, voire même de Broca, vous disent quelque chose. Il y en a treize comme cela, treize entités nosographiques, dont la particularité est d’avoir été estampillées entre 1850 et 1945, date après laquelle la pratique de l’éponymie a laissé la place à des sigles plus neutres tels que sida (syndrome d’immunodéficience acquise), THDA (trouble d’activité avec déficit de l’attention) et SLA (sclérose latérale amyotrophique). Question de mode ? Oui, mais pas seulement… D. Draaisma ne le cache pas : accoler un nom à une découverte n’est pas une formalité si innoncente qu’il y paraît. Cela demande un peu d’aide extérieure et des manœuvres. Et le fait d’attacher un symptôme à la personne du découvreur, à ce qu’il a pu en dire ou écrire par ailleurs, n’a pas que des avantages.
Quand l'esprit s'égare
Quand l’esprit s’égare . Douwe Draaisma , Seuil, 2014, 476 p., 25 €.
Du « théorème de Fermat » aux « anneaux de Copernic », la science regorge d’éponymes. C’est en scrutant les fonds baptismaux que Douwe Draaisma retrace avec verve l’histoire mouvementée d’une poignée de découvertes neurologiques et psychiatriques.