« Vous faites quoi dans la vie ? » Cette question toute simple appelle en général des réponses vagues ou stéréotypées. « Je suis dans la banque », ou « dans le tourisme ». Mais il suffit de creuser un peu pour que les langues se délient. On pousse alors la porte vers des mondes méconnus : cette part invisible du travail qui constitue pourtant une grande part de notre vie.
Voilà la mission de la coopérative Dire le travail créée par une petite équipe d’anciens enseignants (encadré ci-dessous) : faire parler des professionnels de tout bord – femme de ménage ou pilote d’avion, éleveur ou avocate, jardinier municipal ou dermatologue. Vingt-sept témoignages ont été sélectionnés et publiés dans le livre Vous faites quoi dans la vie ? (2017). Autant de récits très vivants qui révèlent pourquoi les gens s’impliquent au quotidien.
Dès les premières pages, nous voilà embarqués dans un service de soins palliatifs d’un hôpital parisien durant la nuit du 13 novembre 2015. L’infirmière qui raconte est dans la chambre d’une dame de 46 ans, atteinte d’un cancer et mourante : il ne lui reste que quelques heures à vivre. Son mari est là. Soudain, ça s’agite dans le service. On apprend que des attentats ont lieu dans Paris. Alors que la malade fait des pauses respiratoires, annonçant une fin très proche, les télévisions et radios s’allument pour suivre l’événement en direct.
Une heure plus tard, la patiente a rendu son dernier souffle. L’infirmière sait ce qu’elle doit faire : « Je préviens son époux et je reste avec eux. Puis on prévient ses trois filles. Avec ma collègue, on fait la toilette mortuaire, pour la rendre le mieux possible pour ses proches. Ça nous prend une bonne heure et demie. Après le départ de la famille, on se remet devant la télé pour voir où ça en est à Paris. »
, , L’Atelier, 2017. , , Le Cerisier, 2017. L’auteur, sociologue et formateur belge, a interviewé 44 salariés, de l’agent de sécurité au chercheur en neurosciences, du cadre dans une multinationale au coiffeur. L’accent est mis ici sur les tensions et pressions, les espoirs déçus et résistances des salariés.