Pour un Français des années 1700, la question pourrait paraître étrange. À cette époque, le prénom n’était pas tant choisi que souvent transmis, dans le cadre catholique, du parrain au filleul, de la marraine à sa filleule. Le choix pouvait porter sur le parrain, ascendant ou relation prestigieuse, mais pas sur le prénom. Cette pratique a eu tendance à disparaître à mesure qu’émergeait, au cours des deux derniers siècles, une famille nucléaire, centrée sur un couple conjugal et parental, capable d’une existence autonome du reste de la famille. Le parrain ne donne plus son prénom, ce dernier est choisi. Aujourd’hui le choix est libre, et, pour le Code civil, de la seule compétence des parents. Le palmarès – avec ses Jade, Ambre, Alba, Maël et Noah – est peuplé de prénoms neufs, qui n’ont quasiment pas été donnés quelques générations auparavant. Peut-on alors encore parler de transmission ? Dans de nombreux cas, oui, mais il faut soulever le premier prénom et s’apercevoir qu’il en cache souvent d’autres, secondaires et invisibles, mais significatifs et consciemment transmis. Ainsi le deuxième et le troisième prénoms, quand ils existent, sont souvent portés par des proches : un parrain ou une marraine, un oncle ou une tante, un ascendant dont un des parents garde un souvenir ému… Ces prénoms marquent l’inscription dans une lignée et échappent alors à la mode : ils sont donnés même lorsqu’ils sont démodés, jugés peu esthétiques, « moches » ou « ringards ». Ils sont transmis, au sens où ils passent d’une génération à l’autre, mais n’apparaîtront presque jamais à la surface, car seuls les documents administratifs les plus formels exigent l’ensemble des prénoms.
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Transmettre et hériter
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