Quel avenir pour la politique culturelle ? Entretien avec Sylvie Pflieger

En 1959, la naissance d’un ministère de la Culture français traduisait une volonté politique forte de soutenir la création et de la rendre accessible à tous. Cinquante ans après, le bilan est mitigé, et appelle de nouveaux modes d’action.

2009 a été l’occasion de fêter le cinquantième anniversaire de la fondation, par André Malraux, d’un « ministère des Affaires culturelles », selon l’appellation de l’époque. L’occasion de revenir avec Sylvie Pflieger, économiste spécialiste du domaine culturel, sur un demi-siècle d’action publique en faveur de la culture, de ses principes, de ses réalisations, de ses impasses. Et de se demander, à l’heure d’Internet, ce que pourrait être une politique culturelle pour aujourd’hui… et pour demain.

 

Quelles innovations apporte la création, en 1959, d’un ministère des Affaires culturelles ?

La France n’a pas attendu 1959 pour mener des actions culturelles. Mais la grande nouveauté d’alors, c’est, d’une part, de les rassembler dans un même ministère pour en avoir une vision globale (seule l’action culturelle extérieure restant dans le giron du ministère des Affaires étrangères). D’autre part, André Malraux, qui rédige le décret fondateur du ministère, fixe deux grands objectifs, les maisons de la culture en étant l’un des dispositifs les plus visibles. L’objectif de démocratisation vise à « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre de Français ». Il s’agit de provoquer un choc esthétique, les qualités intrinsèques de l’œuvre devant procurer dans le public l'émotion la plus immédiate possible. L’objectif de soutien à la création vise à offrir aux artistes un environnement favorable à l’émergence et à la circulation de nouvelles œuvres. Il est frappant de constater que ces objectifs n’ont guère changé en cinquante ans !

 

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Y a-t-il là une spécificité française ?

Disons qu’il y a peu de pays où un ministère de la Culture ait un poids aussi important. Les actions culturelles prennent ailleurs une forme plus diluée, passant davantage par des agences indépendantes, comme en Grande-Bretagne, ou des fondations, comme aux États-Unis. Cependant, il ne faut pas oublier que le ministère ne représente qu’une petite partie du financement public de la culture. Ce dernier se divise à peu près en deux parts égales entre État central et collectivités locales. Et au sein de l’État central, il y a parité entre le ministère de la Culture d’un côté, et les ministères des Affaires étrangères et de l’Éducation nationale de l’autre (les autres ministères n’intervenant qu’à la marge). Il n’en reste pas moins que l’intervention politique forte qu’incarne ce ministère est véritablement une spécificité française.