Publiée en octobre 2013, la pétition signée par 24 intellectuels, romanciers et scientifiques français avait ceci de particulier qu’elle accueillait des noms voisinant rarement sur la même liste : Edgar Morin et Alain Finkielkraut, Luc Ferry et Michel Onfray. Que disait ce texte ? Qu'il était urgent que le code civil français stipule que les animaux sont des « êtres vivants et sensibles ». Bon, direz-vous peut-être, quoi de plus évident ? Pas si simple en fait car en son état actuel, qui remonte à 1804, la loi française les qualifie de « biens meubles », conformément à la pratique courante consistant à les acheter, les maintenir en captivité, les utiliser et pour beaucoup d’entre eux, les abattre pour satisfaire les besoins humains. La démarche de ces 24 intellectuels fut d’autant plus remarquée que bon nombre d’entre eux n’étaient, jusque-là, pas connus sur le front de la défense animale.
Critique de la modernité technique
Reconnaître la qualité d’êtres sensibles aux bêtes de rente changerait-il fondamentalement leur sort ? Non, mais éventuellement les conditions dans lesquelles ils vivent et meurent, en posant des limites plus strictes aux traitements pénibles, voire cruels, dont ils font l’objet au cours des opérations d’élevage, d’exploitation, d’expérimentation et d’abattage. Cette demande bienveillante fut accueillie par un murmure consensuel : quelques semaines plus tard, le magazine 30 millions d’amis, à l’origine de la pétition, publiait le résultat d’un sondage affirmant que « neuf Français sur dix étaient d'accord avec cette idée ». En mesuraient-ils les raisons et les conséquences ? De cela on ne sait pas grand-chose, toujours est-il que depuis une quinzaine d’années, la cause animale a connu un véritable tournant et surtout gagné une publicité qu’elle n’avait pas auparavant, aussi bien en librairie que sur les pavés battus par des militants de plus en plus actifs et visibles.