Une conscience ou des consciences ?
Dans un ouvrage maintenant célèbre ( La Conscience expliquée , Odile Jacob,1993) le philosophe américain Daniel C. Dennett a tenté de déconstruire une idée ancrée depuis longtemps dans la tête de tout un chacun : l'idée que la conscience est « une ». Basée sur l'intuition commune de l'unicité de la conscience, certains, dont le plus connu d'entre eux est Descartes, affirment que notre conscience existe quelque part dans notre esprit, et peut-être même dans notre cerveau. Selon cette conception, que D.C. Dennett a appelée le « théâtre cartésien », une structure du cerveau jouerait le rôle d'observateur de toute l'activité mentale d'un individu, l'intégrerait et produirait une impression de simultanéité et de cohérence de ces diverses activités. Descartes avait proposé la « glande pinéale » comme candidat-observateur. D'autres depuis en ont suggéré de nouveaux, comme le « cingulum antérieur », la « formation réticulée » ou les lobes frontaux. Peu importe finalement la structure cérébrale précise qui joue ce rôle. Le plus important est que cette conception considère la conscience comme le résultat de l'activité d'une (et une seule) fonction mentale, indépendante du reste des activités de l'esprit.
Or, selon D.C. Dennett, il s'agit là de « la plus mauvaise et la plus tenace de toutes les idées qui empoisonnent nos modes de pensée au sujet de la conscience » . Pour rompre avec cette mauvaise habitude, il propose de la remplacer par une image rivale : le modèle des « versions multiples » de la conscience. Il considère la conscience non pas comme le résultat d'une activité mentale unique, mais plutôt comme un épiphénomène à toute activité mentale. Toutes ces activités mentales seraient traitées dans le cerveau par des processus parallèles et multiples d'interprétation et d'élaboration. Selon les moments et selon la coexistence de telle activité mentale avec telle autre, des états subjectifs différents de conscience émergeront. La conscience serait ainsi un flux permanent d'états subjectifs successifs. Il ne faudrait donc pas étudier « la » conscience, mais les divers états de conscience.