Qui a inventé l'ordinateur ?

L’invention de l’ordinateur n’est pas seulement le fruit de quelques inventeurs et entrepreneurs de génie. Derrière eux, une myriade d’anonymes et d’institutions a formé un écosystème d’innovation.

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La révolution numérique a changé nos vies, au point qu’il paraît difficile de concevoir une vie sans écran et sans réseau. Tout a été bouleversé : le travail, la communication, les transports, le commerce, les loisirs, etc. Qui sont les responsables de cette révolution ? Il y eut certes quelques personnalités d’exceptions. Ada Lovelace peut être considérée comme la pionnière de la programmation informatique (encadré ci-dessous). Alan Turing est assurément l’autre génie de l’informatique naissante. En 1936, à l’âge de 24 ans, il conçoit théoriquement une « machine universelle » qui résoudrait tout problème mathématique exprimable selon un algorithme. L’idée lui serait venue à l’esprit en courant : il était un des meilleurs spécialistes britanniques de course de fond. Durant la guerre, il met en application ses idées en participant à la conception de Colossus, une machine qui permit de décrypter les codes secrets utilisés par les Allemands. Après la guerre, A. Turing prolonge ses travaux dans le cadre de l’intelligence artificielle naissante. Le « test de Turing » est d’ailleurs longtemps resté une étape clé dans la réflexion sur la capacité des machines à copier l’intelligence humaine. Le mathématicien John von Neumann fait aussi partie de ces talents hors normes. Son apport décisif est « l’architecture von Neumann », qui est le schéma général de conception des premiers ordinateurs et reste encore aujourd’hui la matrice de presque tous ceux existants.

Les entrepreneurs innovateurs

Steve Jobs ou Bill Gates méritent-ils eux aussi le titre de génie de l’innovation ? La légende dorée crédite le premier de quelques innovations révolutionnaires : Apple 1 et 2, le Macintosh (avec sa souris, ses menus déroulants et les petites fenêtres qui s’affichent sur l’écran), l’iPad (première tablette), l’iPhone (le premier des smartphones). Son apport réel est toutefois moins extraordinaire qu’il y paraît, comme le montre Walter Isaacson dans sa biographie (Lattès, 2011). Tout d’abord, S. Jobs n’est pas vraiment un inventeur. Le vrai concepteur des microordinateurs Apple et du Macintosh est son copain Steve Wozniak, et ce dernier était certes ingénieux, mais pas un génie. Le premier Apple n’est au fond qu’un assemblage de technologies existantes : un microprocesseur, conçu par Intel, qu’il eut l’idée de brancher sur un clavier et un écran, une technique importée des jeux vidéo de la firme Atari. Quant aux innovations révolutionnaires qui ont fait le succès d’Apple, de l’interface graphique aux menus déroulants en passant par la souris, elles ont été tout simplement « copiées » (certains disent « piratées » ou « volées ») à la firme Xerox Parc, où S. Jobs et S. Wozniak avaient leurs entrées. Enfin, l’idée même d’ordinateur personnel était loin d’être une idée aussi originale que le suppose la légende du « visionnaire » anticonformiste. Au début des années 1970, des projets similaires fusent de toute part : les firmes Commodore, Tandy, Olivetti, Hewlett-Packard, ou travaillait S. Wozniak, sont toutes dans la course. En 1973, trois ans avant la création d’Apple, le Français François Gernelle met sur le marché Micral, le premier microordinateur. Son tort est d’apparaître trop tôt sur le marché – une cause fréquente d’échec dans l’histoire des techniques. Le vrai talent de S. Jobs est d’avoir proposé des ordinateurs clés en main (la plupart étaient livrés en kit à l’époque et destinés à un public de bricoleurs en électronique) pour un prix raisonnable, d’y intégrer des applications utiles (un tableur, un traitement de texte, etc.) et d’être ergonomiques et intuitifs (une idée que S. Jobs avait importée de la firme Atari où il travaillait en 1974).