Le char représente depuis un siècle l’arme ultime d’un pouvoir central fort et autoritaire, et suscite un mouvement de rejet. Doit-on le supprimer des arsenaux comme le recommandait Martin Van Creveld, dans son livre La Transformation de la guerre (1998) ? Non, répond aujourd’hui Antoine d’Évry, militaire et chercheur au Laboratoire de recherche sur la défense auprès de l’Ifri. En quinze ans, le parc européen a été divisé par trois, passant de 15 631 à 5 218 aujourd’hui. Ce serait, selon A. d’Évry, une erreur de suivre les « perceptions très subjectives » d’une opinion pour laquelle il est acquis que les chars, dont les coûts d’acquisition et d’entretien sont élevés, ne servent plus à rien, tant la façon de faire la guerre a changé. Il faudrait au contraire « maintenir des capacités conventionnelles de haute intensité dans une logique d’intimidation stratégique, en complément à la dissuasion nucléaire », affirme A. d’Évry. Alors que la suprématie aérienne occidentale des années 1980 est de plus en plus contestée, le maintien du char permettrait de « démontrer sa détermination par des gestes concrets (déploiement, manœuvres…) à travers une posture visant tant à décourager un potentiel agresseur qu’à rassurer un allié menacé ». Autre argument d’A. d’Évry : la recherche et développement. Outre les blindages à base de gel ou les chenilles souples, les regards se tournent vers la robotisation. Combiner unités blindées, robots et drones aurait l’avantage d’économiser des vies humaines, ce que recherchent justement le pouvoir politique et l’opinion publique.

 

Antoine d’Évry, « Les Chars, un héritage intempestif ? », Focus stratégique, n° 53, septembre 2014.