Rencontre avec Hugues Lagrange. La violence des jeunes, prix de la société du risque

Quelles sont, depuis quinze ans, les grandes évolutions de la délinquance juvénile ?

Si l'on prend ce que l'on entend le plus couramment par « violences », c'est-à-dire les coups et blessures infligés à autrui, voire les meurtres, les violences commises par les moins de 18 ans sont faibles par leur gravité. Prenons les homicides : en France, sur la période 1986-1996, nous avons des taux aux alentours de 7 à 10 pour 100 000, taux qui prennent en compte les homicides perpétrés mais aussi les tentatives, ces dernières représentant la moitié de ce taux. A titre de comparaison, le taux moyen américain était de 40 pour 100 000 au début des années 90. Le sommet de la courbe y a été atteint en 1996 et il y a eu une baisse indiscutable depuis. Tout cela est vrai, je le rappelle, pour des jeunes de moins de 18 ans.

Les violences non mortelles (vols avec violence, coups et blessures volontaires...) ont, quant à elles, augmenté systématiquement, dans tous les pays d'Europe, depuis la fin des années 80 jusqu'à la fin des années 90, nourries, semble-t-il, par la conjonction d'une élévation forte du chômage des jeunes et d'un accroissement inédit des consommations de psychotropes illicites. La sensibilité de l'opinion a pu jouer sur l'enregistrement des faits, en entraînant par exemple un renforcement de l'action de la police.

Les violences à caractère sexuel ont connu une évolution importante, là aussi en lien avec l'évolution de la sensibilité de l'opinion publique. Les chiffres, s'ils sont en forte augmentation, restent cependant très faibles : 90 condamnations pour viol pour les 13-17 ans en 1990, 400 en 2001.

Depuis cinq ou six ans, le niveau des violences dans la délinquance s'est stabilisé et la violence a perdu une part de sa dimension expressive. Les usages de drogues ont connu une forte croissance dans les années 90 : ainsi, en 1999, 59 % des garçons et 43 % des filles âgés de 18 ans déclaraient avoir consommé du cannabis au cours de l'année (respectivement 34 % et 17 % en 1993), mais, depuis deux ans, on enregistre une stabilisation. Les autres drogues, faiblement consommées, ont également connu une augmentation certaine entre 1990 et 1999.