Rencontres en ligne, les codes de la séduction Questions à Marie Bergström

Meetic, Tinder, EliteRencontre, Happn… Des millions d’internautes se connectent chaque jour à ces sites, en quête d’amour ou de sexe. Qui sont-ils, que cherchent-ils, et pourquoi de cette manière ?

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Depuis près de dix ans, Marie Bergström, chargée de recherche à l’lned, a enquêté auprès des opérateurs et des usagers des sites de rencontre en ligne. Son premier livre, Les Nouvelles Lois de l’amour. Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique (La Découverte, 2019), brosse un tableau compréhensif du phénomène de la rencontre en ligne.


Comment expliquer le succès des sites et applications mobiles de rencontres ?

D’abord, ce succès, essayons de l’évaluer. Selon la dernière enquête Épic, réalisée par l’Ined et l’Insee en 2013, environ 18 % des personnes de 18 à 65 ans ont déjà utilisé ces services en ligne. Cela représente un tiers des célibataires. C’est considérable. Si les premiers sites datent des années 1990, en France la diffusion s’installe dans la décennie suivante : en 2006, moins de la moitié des foyers possédait une connexion Internet, et déjà on comptait 12 % d’utilisateurs de ces services. C’est d’autant plus inédit que les ancêtres des sites de rencontre – agences matrimoniales, petites annonces puis Minitel – sont restés, depuis la fin du 19e siècle, très en marge et très décriés.

Qui sont les usagers ?

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Mon étude a porté sur l’usage des sites et des applications au sein de la population hétérosexuelle. Dans mon livre, je montre qu’il n’y a pas de modèle unique, et que les usages sont différents. En fait, tous les milieux sont désormais concernés. Pour comprendre ce succès, il faut se rapporter à la transformation des parcours amoureux et sexuels intervenue ces cinquante dernières années. Aujourd’hui, on se met en couple tardivement. Les jeunes vivent souvent plusieurs histoires avant de se stabiliser, et parmi eux, il y a donc une clientèle de choix pour les applications de rencontre. Chez les moins de 25 ans, l’enjeu n’est pas forcément de se mettre en couple mais plutôt de vivre des expériences, donc éphémères. Ensuite, les séparations conjugales sont devenues très fréquentes : le célibat intervient à tous les âges de la vie. La plupart des personnes séparées souhaitent se remettre en couple et la moitié reforme une union dans les deux ans suivant la rupture. Cela veut dire que, chez les internautes plus âgés, il y a un plus grand volontarisme conjugal. Et ils sont de plus en plus nombreux à trouver leur nouveau conjoint sur Internet.