Rencontres en ligne : les nouveaux liens amoureux

D'après Pascal Lardellier, "Rencontres sur Internet : l'amour en révolution", Sciences Humaines, hors-série, n°50 (cliquer ici)

Phénomène en pleine explosion, les rencontres en ligne font franchir un pas à la mise à distance du corps, caractéristique de nos sociétés contemporaines. Derrière ses aspects ludiques, ce marivaudage pose une question fondamentale : qu’est-ce qu’une relation ?

 

Sur les sites de rencontre (SDR), chacun devient son propre « cyberagent matrimonial ». Un pseudo, une fiche de présentation, un court texte résumant la personnalité et la quête, éventuellement une photo, et voici le (ou la) célibataire prêt(e) à entrer dans le grand bal masqué du Net sentimental. Ensuite, on s’écrit des messages dans les boîtes aux lettres électroniques ou on chate en direct sur les plateformes de discussion. Chronophage, la pratique est si absorbante que de nombreux Web-singles souffrent de Net-addiction, illustrant à l’envi ce que certains spécialistes décrivent comme la tyrannie du branchement (Dominique Wolton) ou l’obsession du lien.

 

Hommes et femmes, des attentes différentes

Désormais protégés par l’écran, l’anonymat du pseudo et l’absence des corps, bien loin des lieux de représentation sociale, les singles peuvent se permettre toutes les audaces. Orgueil, timidité et quant-à-soi se trouvent évincés d’un coup de clic, irrémédiablement relégués au rang de scories relationnelles d’avant le « cyberworld ». Quitte à voir se généraliser le zapping relationnel et l’industrialisation de la drague. Car on passe des un(e)s aux autres sans justification ni explication, et le jeu des lettres en « copier-coller » permet de contacter des dizaines de personnes en même temps.La logique sentimentale qui s’impose est ostensiblement consumériste : dès les pages d’accueil, les SDR proposent des modes de recherches très performants, accompagnés de listes d’amis, d’indésirables (black lists) et de coups de cœur. Ce faisceau de facteurs entérine un nouvel âge relationnel, caractérisé par un pragmatisme qui tend à évincer le danger, l’erreur, les errements. Avec, souvent, cette illusion que l’on sélectionne au mieux celui (ou celle) à aimer, en fonction de multiples critères physiques, sociaux et moraux : il faut avoir les bonnes croix dans les bonnes cases.