Scolarisation ou apprentissage ?

De l’école ou de l’entreprise, laquelle est la mieux placée 
pour transmettre les savoirs professionnels ? La France, l’Allemagne
 et le Royaume-Uni ont chacun leur modèle en la matière.

Depuis les années 1980, des sociologues du travail et des économistes ont effectué des analyses comparatives des systèmes de formation allemand, anglais et français. Éric Verdier 1 mobilise par exemple la notion de « convention sociétale » pour désigner un ensemble de valeurs, de règles et de normes auxquelles adhère de manière consensuelle et souvent implicite la majorité des acteurs sociaux d’un pays et qui détermine leurs décisions en matière d’éducation et de formation. Il repère trois grands types de conventions correspondant chacun aux tendances dominantes de trois pays, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Trois modèles

En Allemagne domine une convention dite « professionnelle ». Les entreprises, les syndicats et les régions (les Länder) sont capables d’établir entre eux un consensus suffisant pour organiser des formations en alternance qui assurent à plus de la moitié des jeunes Allemands une bonne insertion professionnelle. L’État n’intervient que par l’intermédiaire d’un bureau fédéral qui élabore quelques règles communes. L’apprentissage en entreprise concerne ainsi tous les secteurs d’activité de l’économie allemande. Son succès repose sur la reconnaissance par la société allemande de la valeur morale et citoyenne du travail 2 et des compétences professionnelles.

Au Royaume-Uni, les formations sont plutôt déterminées par une convention « marchande ». Au-delà de l’éducation de base qui est jugée indispensable à tous, les formations sont considérées comme des activités relevant d’une logique de marché. Dans une société où la liberté et la responsabilité individuelles sont des valeurs dominantes, le système de formation met en concurrence des établissements ou des entreprises pour laisser la liberté aux usagers, considérés comme des clients, de choisir la formation qui leur convient. Les pouvoirs publics n’interviennent que pour édicter des standards de qualité que les Anglais appellent les national vocational qualifications (NVQ).