Sur les sentiers de la connaissance

Les philosophes et savants n’ont cessé de chercher des moyens de mieux comprendre le monde. Tour d’horizon des méthodes déployées, à travers plus de deux mille ans d’histoire.

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Comment comprendre le monde ? Comment parvenir à des connaissances fiables ? Ces questions fondamentales traversent l’histoire de la pensée humaine. Pour y répondre, nous disposons d’un côté de nos organes sensoriels, de l’autre de notre entendement toujours prompt à établir des liens de cause à effet. Ces deux outils sont cependant faillibles : nos sens peuvent nous tromper, l’esprit, tirer des conclusions abusives.

Aristote propose une méthode composée d’une voie inductive et d’une voie déductive* : partir de ce que recueillent nos sens et en tirer des généralités (induction), qu’une vertu intuitive nous donne comme fermement établies et d’où on déduit alors des connaissances. Dans les Seconds Analytiques (I, 13), il donne l’exemple de la proximité des planètes par rapport aux étoiles : « Ce qui ne scintille pas est proche : proposition qu’il faut prendre comme obtenue par induction, autrement dit, par la sensation. » Des constats répétés nous l’ont montré, ce dont on fait une généralité que notre esprit, par intuition, tient comme assurée. Intervient alors la déduction : tout ce qui ne scintille pas est proche, or les planètes ne scintillent pas, « ainsi se trouve démontré que les planètes sont proches », et voilà établie une connaissance certaine.

Carnéade, philosophe de la Nouvelle Académie, défend une position plus prudente. Il s’oppose à une procédure menant à des certitudes. Il prend cet exemple : un homme poursuivi se cache dans la pénombre et soudain tressaille : il aperçoit une forme enroulée, est-ce une corde ou un serpent ? Il prend un bâton et la remue : elle ne s’anime pas. Ainsi, il est parti d’une proposition plausible (une corde), qui résiste à un examen minutieux, ici expérimental. L’idée est affermie, mais peut aussi tromper (ce pourrait être un serpent en léthargie). Hypothèse, expérience et conclusion qui, loin d’être certaine, conserve une part de doute : en décrivant une telle procédure, Carnéade est déjà proche de la troisième voie, ni inductive ni purement déductive, que théoriseront, à la fin de l’Antiquité, Proclus puis Philopon : imaginer des hypothèses puis en déduire des conséquences pour les confronter avec les faits, démarche que l’on nommera bien plus tard « hypothético-déductive ». Ainsi, dit Proclus, les astronomes construisent des hypothèses sur les trajectoires des astres, ils en déduisent des prévisions dont ils évaluent la conformité avec le réel – mais même en cas de conformité, cela ne prouve pas que les hypothèses soient vraies.

Les réflexions sur les démarches se développent ensuite surtout chez les savants de langue arabe (Al-Fârâbî, Avicenne…) qui, à partir du 9e siècle, traduisent et commentent les auteurs grecs. Alhazen qui, vers l’an 1000, maîtrise par des démarches expérimentales remarquables la mise à l’épreuve d’idées, emprunte la troisième voie.