Un récent sondage Ifop relevait que, parmi les jeunes Français d’aujourd’hui, un sur six estimait crédible que la Terre soit en réalité plate, un sur quatre admettait que l’assaut sur le Capitole par les trumpistes pouvait être une mise en scène, et un sur trois jugeait que les vaccins ARN messager causent des dommages irréversibles aux enfants en bas âge. Le commentateur de l’enquête ne cachait pas son inquiétude face à ce qu’il nommait « l’essor des croyances complotistes ou infondées » à mettre en rapport avec la fréquentation, par ces mêmes jeunes, des réseaux sociaux et de leurs influenceurs. Pas une semaine ne passe d’ailleurs sans qu’un média tire la sonnette d’alarme à propos de la montée en puissance des fake news, des croyances improbables et des théories farfelues, voire dénonce un retour à des superstitions éculées. Psychologues, sociologues et experts sollicités s’emploient à expliquer pourquoi, en dépit de l’allongement des études, on assiste à un tel déploiement d’irrationalité : biais cognitifs, effets de groupe, effondrement de la confiance dans le savoir sont invoqués pour expliquer cette épidémie de crédulité postmoderne. La démarche de Sebastian Dieguez est, dans ce livre, bien différente et veut reprendre le problème à la base. Car au fond, le maillon faible de ces approches expertes est de tenir pour acquis que ces croyances sont des erreurs de jugement, partagées par l’effet d’une ignorance ou d’une défaillance du sens commun. Ce à quoi les intéressés ont beau jeu de répondre que leur point de vue en vaut un autre et qu’en démocratie, toutes les opinions sont autorisées.