Thérapies et nouvelles spiritualités

Mêlant les techniques de relaxation, les psychothérapies de groupe et les doctrines orientales, il existe aujourd'hui une nébuleuse de pratiques dont un des objectifs affichés est la recherche d'une sagesse épurée de toutes les religions instituées, mais hostile à aucune.

Dans les années 70 et au début des années 80, en France comme dans l'ensemble des pays d'Europe de l'Ouest (un peu plus tôt en Amérique du Nord), ont surgi et se sont développés toutes sortes de nouveaux mouvements religieux et spirituels, tant au sein des religions proprement occidentales - christianisme et judaïsme - qu'en dehors d'elles. La part des groupes clairement constitués y est relativement limitée. Les observateurs - qui parlaient alors de « retour du religieux » - étaient étonnés du développement d'un religieux désinstitutionnalisé et souvent hétérodoxe par rapport aux grandes traditions religieuses occidentales.

Au sein de cette effervescence largement désinstitutionnalisée, certains réseaux constitués dans le contexte de la contre-culture des années 70 sont particulièrement caractéristiques des transformations en cours de la sensibilité spirituelle. Non seulement parce qu'ils font de l'« expérientiel » le critère de la « spiritualité authentique », mais aussi parce que les adeptes y ont pour objectif la transformation de soi grâce à des pratiques psycho-corporelles ou psycho-ésotériques : yoga, méditation, danses sacrées, interprétation de cartes du ciel, etc. L'idée de la responsabilité de chacun pour son perfectionnement personnel et spirituel y est fondamentale. La transformation visée est de type mystique, centrée sur les affects et le corps. J'ai qualifié ces réseaux de « nébuleuse mystique-ésotérique ». Concrètement, les pratiques de développement psycho-spirituel s'effectuent dans le cadre de séminaires et de stages de yoga, d'« enseignement de la Bhagavad-Gîta », d'« éveil de l'être essentiel », de « découverte du chaman en soi », de revécu de « Near Death Experiences », etc.

Dans cette nébuleuse, depuis quelques années, le terme de sagesse est d'un emploi de plus en plus fréquent. Qu'est-ce à dire ? Avec ce terme est de fait désignée et valorisée une recherche de mieux-être mobilisant conjointement diverses ressources psychologiques - yoga, méditation, psychanalyse jungienne, psychologie transpersonnelle - ainsi que les multiples techniques thérapeutiques et de développement personnel qui se sont inventées dans leur sillage - du lying au rebirth, en passant par la leibtherapie - et des ressources de sens et d'attitudes de vie puisées dans les enseignements religieux. Autrement dit, dans la nébuleuse mystique-ésotérique, le terme de sagesse renvoie à une recherche de bonheur passant à la fois par un travail psycho-spirituel sur soi et par la constitution d'un nouvel humanisme - la valeur primordiale est l'homme - que je qualifierai, lui aussi, de psycho-spirituel.

Un nouvel humanisme aux dimensions spirituelles

Ce qualificatif de psycho-spirituel veut signifier que les enseignements de sagesse sont recherchés prioritairement du côté des religions, et que ces enseignements portent essentiellement sur le fonctionnement de la psyché, sur certains états d'être à développer, sur les bonnes attitudes psychologiques à acquérir. Marc de Smedt, une des figures de proue de la nébuleuse mystique-ésotérique - il a, notamment, fondé deux revues majeures de ce milieu, Question de et Nouvelles Clés, et en 1993, avec Michel Piquemal, la collection « Carnets de sagesse » - parle, quant à lui, de « métapsychologie », dans le « carnet de sagesse » Parole du Tibet. Significativement, la première « parole » qui ouvre ce livre est : « Si l'esprit est détendu, il atteint la tranquillité ; si l'eau n'est pas agitée, elle devient claire. »

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Certaines des valeurs qui constituent le socle de l'humanisme-sagesse, tel qu'il s'affirme dans la nébuleuse mystique-ésotérique, appartiennent au fonds commun des diverses traditions humanistes : la dignité de tous les hommes et leur perfectibilité, la tolérance, le respect de l'autre, le dialogue. D'autres valeurs, d'autres conceptions sont plus spécifiques :

- L'anti-matérialisme, au sens ici d'une conception de l'homme qui n'en fait pas seulement un être de chair et de sang et de neurones, ni seulement non plus un être doté de la raison, d'une conscience morale, d'un inconscient freudien, mais un être qui a quelque chose de plus, de l'ordre d'une « essence divine », d'une « âme », d'un « Soi essentiel » - les termes sont variés mais la croyance commune est qu'il y a un au-delà de l'homme ordinaire qu'ont su prendre en compte les religions.