Edgar Cabanas est un spécialiste du marché du développement personnel. Dans son ouvrage Happycratie 1, ce chercheur en psychologie tente de décrire l’essor de « l’industrie du bonheur ». Pourtant, les chiffres dont il dispose sont très rares : « On sait par exemple que l’International Coach Federation a évalué en 2017 les revenus de son secteur à plus de 2 milliards de dollars par an dans le monde, dont 898 millions en Europe de l’Ouest 2. On sait également que la méditation pleine conscience est devenue une industrie très lucrative, qui dégage plus d’un milliard de dollars par an. Mais les données plus précises sont rarement accessibles gratuitement : ce sont des marchandises qui se monnayent cher. »
Des données bankable
Environ 2 000 dollars, voilà le prix à payer pour consulter les 390 pages du rapport du cabinet d’étude MarketData, qui scrute la croissance du secteur depuis une dizaine d’années. En 2016, Marketdata avait évalué le marché américain du développement personnel à 9,9 milliards de dollars, dont 1,57 milliard de dollars pour le secteur éditorial et 1 milliard de dollars pour le coaching personnel. Cette frilosité à communiquer sur les chiffres, le sociologue Nicolas Marquis s’y est aussi heurté 3. Pour obtenir le volume de ventes des best-sellers francophones – 300 000 exemplaires pour Imparfaits, libres et heureux de Christophe André, 400 000 exemplaires pour Les Vilains Petits Canards de Boris Cyrulnik –, ce spécialiste des livres de développement personnel a dû contacter les auteurs eux-mêmes, les maisons d’édition n’ayant jamais accepté de lui répondre. En cause, la crainte de la concurrence mais aussi des obstacles d’ordre culturel : « Dans la production francophone, le développement personnel a une mission sociale : il s’agit moins de rendre les gens heureux et riches que d’en faire de bons citoyens. De ce fait, il n’est pas très bien vu de le présenter comme un marché lucratif. »