Vers de nouveaux voyages. Entretien avec Jean Viard

Jean Viard constate la fin du tourisme collectif et l'invention de nouvelles pratiques du voyage. L'accès aux mobilités lointaines, aux temps choisis reste inégalitaire, mais le bouleversement des sociétés est irréversible.

Sciences Humaines : Dans votre récent ouvrage sur les vacances et les voyages, vous faites le constat que le tourisme collectif se meurt et que de nouvelles pratiques s'inventent. Quelles sont ces nouvelles pratiques ?

Jean Viard : Le tourisme social a rempli son principal rôle historique : nous éduquer massivement aux vacances. Nous entrons dans la deuxième ou la troisième génération de vacanciers, du moins pour le plus grand nombre et dans les pays développés. Si on doit continuer à aider les départs en vacances des milieux populaires, c'est plus avec des politiques comme les chèques vacances qu'avec des équipements collectifs lourds. Certains groupes issus du tourisme social, comme VVF, l'ont d'ailleurs fort bien compris. Les comités d'entreprises s'interrogent... En fait, comme tous nos autres gestes sociaux, le tourisme est devenu d'abord un acte d'individu autonome qui désire organiser lui-même ses pratiques.

Dans une société où vous allez passer moins de 15 % de votre vie à travailler (sous Napoléon c'était 70 % !), l'ensemble de vos actes découle de moins en moins du monde de votre travail. Cela ne veut pas dire que le travail ne compte plus. Seulement que le coeur de ce qu'on appelle le lien social ne découle plus uniquement de ces 15 % là. D'autres appartenances, la plupart du temps issues de votre temps libre, se mettent à organiser votre vie, à diriger vos choix affectifs ou résidentiels.