De l’extérieur, l’unité de logements et services de Castelnau-le-Lez, dans l’Hérault, n’a rien de particulier. Mais à l’intérieur, l’innovation est de taille : une dizaine des logements de cet immeuble est entièrement domotisée, permettant notamment l’activation des interrupteurs, portes et volets électriques à distance, par le biais d’une télécommande. La porte principale et l’ascenseur du hall fonctionnent selon le même procédé. Autant d’équipements destinés à faciliter le quotidien des occupants en situation de handicap moteur. Toute proche d’une station de tramway, qui permet de rejoindre le centre-ville de Montpellier en une quinzaine de minutes, cette résidence ouverte en 2019 dispose également d’un local dédié à une permanence d’auxiliaire de vie, disponible à tout moment en cas de besoin. « Des personnes en situation de handicap ont elles-mêmes participé à l’élaboration du projet, ce qui est logique car elles sont les plus à même d’exprimer ce qui correspond à leurs attentes », soulève Thierry Balix, président du Groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP Occitanie), qui porte la démarche. L’offre d’appartements individuels est, depuis sa création, largement plébiscitée. « Pour nombre d’occupants, ce logement est un aboutissement dans leur prise d’indépendance : certains ont ainsi pu quitter un foyer d’hébergement, d’autres le domicile parental », reprend T. Balix, lui-même en fauteuil roulant. Cet habitat pionnier en France incarne le modèle inclusif, orienté vers les besoins des personnes en situation de handicap et l’adaptation de l’environnement à ces derniers. Il n’en a pas toujours été ainsi.
Assistance versus enfermement
L’accompagnement des personnes en situation de handicap fut longtemps envisagé selon une logique d’assistance 1. Depuis la période médiévale, cette logique emprunte à deux registres : d’un côté, la charité, via des organisations confessionnelles ; de l’autre, le contrôle social des indigents et de tous les individus dits « inaptes au travail ». L’infirmité légitime d’ailleurs le secours par la communauté : la figure du « bon pauvre », ne pouvant travailler en raison d’une incapacité, est opposée à celle du « vagabond », qui choisirait d’errer de ville en ville pour échapper au labeur. Au 17e siècle, l’ère du « grand renfermement », bien décrite par Michel Foucault, cible les « inutiles au monde », séparés du reste de la population et reclus dans des institutions ad hoc, comme l’hôpital général. Les Lumières ouvriront la voie à la notion d’« éducabilité », fondée sur l’idée de rééduquer les déficiences, en particulier sensorielles. L’abbé de l’Épée et Valentin Haüy sont parmi les pionniers de l’éducation des jeunes sourds et aveugles. Si le 19e siècle reste dominé par une logique d’assistance et de philanthropie, il voit aussi la médecine gagner en influence. La question des déficiences se traite peu à peu sous le prisme de l’aliénisme, via l’institution asilaire, du redressement des corps, via l’orthopédie émergente, de l’hygiénisme, voire de pratiques eugénistes (élimination des individus jugés inaptes).