Vieillesses d'ailleurs

Le regard sur les aînés change d’un pays à l’autre. 
Sagesse, solidarité, dépendance et même démence… De Pékin à Stockholm, 
en passant par Kinshasa, petit tour d’horizon.

La «piété filiale» chinoise

En Chine, une loi « de protection des personnes âgées » adoptée en 2013 condamne les enfants qui ne rendent pas suffisamment visite à leurs parents. Elle intervient dans un contexte de bouleversement économique et social, et de décomposition des familles, lorsque les plus jeunes rejoignent la ville, laissant souvent derrière eux, en milieu rural, leurs parents vieillissants. De plus en plus de personnes âgées se retrouvent dans un isolement total, négligées par leurs enfants, sans que le système de protection sociale vienne suffisamment compenser cette absence. Résultat : leur taux de suicide grimpe depuis une vingtaine d’années, a fortiori dans les milieux ruraux, alors même que le respect de la personne âgée est profondément inscrit dans la culture chinoise.

Cette loi de 2013 visait en fait à réaffirmer certaines des 24 règles de la « piété filiale » 1, régissant la famille et imposant le respect des parents et ancêtres. Ces règles, généralement attribuées à Zeng Zi, un disciple de Confucius, datent du 3e siècle avant J.‑C., et sont encore enseignées dès la maternelle aux enfants chinois. Depuis quelques années cependant, la « réciprocité » qui caractérisait les relations entre parents et enfants ne semble plus être interprétée de la même manière par les nouvelles générations. Pour l’anthropologue Yan Yunxiang, le mécanisme traditionnel de réciprocité intergénérationnelle se serait grippé dans les années 1990, du fait notamment de l’introduction en Chine des valeurs de l’économie de marché, de l’idéologie du couple et de l’amour (au détriment des relations aux aînés) et de la montée des valeurs individualistes 2. La prise en charge du vieillissement est une question d’autant plus cruciale que les plus de 60 ans devraient représenter, en 2050, près de 30 % de la population chinoise.