« La consolation, c’est la petite lumière d’amour, d’espérance, de soulagement, qui nous est offerte dans la nuit du chagrin et du malheur. Elle ne répare pas ce qui est cassé et ne fait pas revenir ce qui est perdu, elle ne supprime pas l’adversité, mais elle nous aide à faire face, à tenir bon, à ne pas désespérer. » Telle est l’introduction de la méditation guidée de Christophe André, conçue à l’occasion de la publication de son livre Consolations. Celles que l’on reçoit et celles que l’on donne (L’Iconoclaste, 2022). Avec lucidité, le médecin psychiatre, spécialiste des troubles émotionnels et de la méditation, explore les différentes formes de consolations. Par la description de leurs processus et limites, il entend délivrer à ses lecteurs les clés de cet acte humaniste, voué à redonner goût à la vie quand l’existence se trouve brutalisée par la confrontation à la perte ou au malheur. Un texte à la portée de tous, ponctué de témoignages de patients et de souvenirs personnels. C. André se réfère à son expertise de praticien, mais aussi à son expérience intime du cancer : « En habitant un corps malade, j’ai compris combien était grand mon besoin de consolation. »
On vous connaît pour vos travaux en matière de psychologie positive, de bonheur, de méditation. Pourquoi avoir aujourd’hui choisi d’aborder le thème plus tragique de la consolation ?
Ce travail sur la consolation est un prolongement de mes réflexions sur le bonheur et la psychologie positive. D’après une phrase de Paul Claudel, que je cite volontiers, « le bonheur n’est pas le but, mais le moyen de la vie ». L’exemple le plus pur pour un psychiatre comme moi, c’est la dépression, dont l’un des symptômes centraux est l’anhédonie. Autrement dit, la perte de la capacité à ressentir du plaisir. Or, le bonheur est une affaire très sérieuse : sans lui, les humains n’ont plus envie de construire, d’agir et de traverser une existence faite de souffrance, de vieillissement, où, à la fin, tout le monde meurt. La consolation est un moyen de vivre avec ces orages. Elle consiste à rouvrir la perspective d’un avenir heureux. Sa finalité est de dépasser la difficulté présente : non pas ignorer que la vie est dure, nous sommes bien placés pour le savoir, mais redécouvrir qu’elle est aussi belle et vaut la peine d’être vécue.
« J’ai longtemps été aveugle à la consolation. En tant qu’humain, je me contentais de réconforter », confiez-vous en début d’ouvrage. Un élément déclencheur vous a-t-il ouvert les yeux ?
En tant que médecin, j’étais préoccupé par les soins, mais n’étais pas assez attentif à la consolation, qui me semblait devoir être dispensée par les proches de mes patients. En 2015, je suis tombé malade et suis moi-même devenu un patient. J’ai alors vu à quel point, dès qu’un soignant prenait le temps de me sourire, de me rassurer, avant un examen ou une opération, cela me faisait du bien physiquement, m’apaisait. Sans que cela guérisse mon cancer – la consolation ne vise pas à changer le réel –, j’ai pris conscience que ces attentions relevaient d’un besoin humain fondamental. Et qu’elles étaient décisives pour que le soin se passe au mieux. Au contraire, je me suis senti malmené par l’indifférence de certains, avec parfois l’impression de n’être plus qu’un corps dont on allait s’occuper. On vous trimballe sur un brancard et le brancardier pose votre dossier médical sur votre ventre, comme si vous étiez un bureau. Au même moment, j’ai reçu la lettre d’une mère ayant perdu sa fille dans les attentats du Bataclan, me demandant comment et si elle pourrait un jour être consolée. C’était une obligation de ma part de lui apporter une réponse, publiée au début du livre, que j’ai mis du temps à rédiger. J’ai compris par ces circonstances personnelles et par ces mots l’importance de savoir consoler et de théoriser cette pratique. Ma curiosité pour ce thème a été enclenchée. C’est ainsi qu’a pris naissance ce livre.